ul, arracha jadis au
spiritualisme insense d'Origene[86].
[Note 86: 1 Cor. VII, 28.--On ne saurait donner avec certitude la
date de cet evenement, mais ce ne peut etre avant 1117, ni plus tard que
1118.]
Des que le jour fut venu, tout a cette nouvelle s'emut de surprise et
d'horreur. La ville entiere, curieuse et consternee, accourait dans le
voisinage de la demeure d'Abelard et le fatiguait des cris de sa pitie.
Tandis que les femmes qui toutes l'aimaient pleuraient en se racontant
une si cruelle aventure, tout ce que l'Eglise avait de plus distingue,
les chanoines de Paris, l'eveque lui-meme, temoignaient hautement leur
interet et leur indignation[87]. Les clercs surtout, les ecoliers
faisaient retentir la maison de gemissements insupportables, et ces
temoignages d'une compassion bruyante allaient redoubler sa honte et
ses souffrances. Pour lui, sur son lit de misere, il reflechissait
peniblement au degre de fortune et de gloire qu'il avait atteint, a
cette decheance si soudaine, si etrange et si terrible. Il se sentait
humilie jusque dans le plus profond de son orgueil, en songeant que Dieu
semblerait l'avoir frappe dans sa justice, que la trahison paraitrait
chatiee par la trahison meme, et le crime puni et deshonore par
l'impuissance. Il pensait a la joie mal cachee de ses ennemis, a la
douleur, a la confusion de ses amis, au bruit que ferait dans le monde
cette degradation dont il se voyait atteint. Quelle carriere desormais
lui serait ouverte? De quel front se produire en public, lui maintenant
montre partout au doigt, partout poursuivi par la risee, partout en
spectacle comme un de ces monstres a qui, sous l'ancienne loi, Dieu
fermait les portes du temple! (_Deut._, XXIII, 4.)
[Note 87: _Ab. Op_., pars II, ep. 1, p. 221.]
Ses meurtriers avaient pris la fuite apres leur crime. Des le premier
moment, l'eveque Girbert avait manifeste la volonte d'en faire justice;
car l'eveque avait juridiction sur les clercs, _forum ecclesiasticum_.
Deux des fugitifs, dont l'un etait le serviteur perfide et vendu, furent
repris et condamnes a la peine du talion, apres qu'on leur eut creve
les yeux. Quant a Fulbert, on ne put lui arracher l'aveu de son crime;
l'aveu sans doute etait alors necessaire a la preuve. D'ailleurs le
chapitre de Paris ne pouvait entierement abandonner un de ses membres.
Seulement, tous ses biens furent confisques au profit de l'Eglise. On
croit qu'il se cacha et vecut oublie; il ne mourut qu'asse
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