Voyez le passage de Gregoire dans l'ouvrage de D. Gervaise (t. 1,
p. 131) ou dans ce pere lui-meme. (_Orat. panegyric. et charist. ad
Origen_, p. 73. S.P. Greg. cogn. Thaum. _Op._, Paris, 1621.)]
Le tour theologique qu'avait pris l'enseignement d'Abelard ne fit
qu'exciter davantage la curiosite, et le professeur obtint un succes qui
rappelait le passe. Pour s'instruire a la fois dans la science seculiere
et sacree, on se pressa dans son ecole, et la decadence des autres
etablissements recommenca. Les maitres se dechainerent de nouveau contre
lui. On attaqua tout, et sa maniere et son droit d'enseigner. On lui
reprocha, mais non pas en face, d'etre, contrairement aux devoirs
monastiques, encore trop captive par l'etude des livres profanes, et
d'avoir usurpe, cette fois sans qu'un superieur l'autorisat, la maitrise
en theologie. Son ecole etait en effet une oeuvre volontaire et privee;
il n'etait plus maitre et comme recteur de celle de Paris, il n'etait
theologal d'aucune eglise. La publicite des ecoles monastiques
n'existait pas de droit, et d'ailleurs il enseignait hors de son
couvent. On demandait donc son interdiction, et l'on ne cessait de
presser dans ce sens, archeveques, eveques, abbes et tout personnage
revetu de quelque titre ecclesiastique. On travaillait a soulever tout
le clerge contre lui.
Abelard commenca par braver l'orage; il s'etait accoutume a dedaigner
ses ennemis. Sa superiorite avait jusqu'ici accable tous ceux qu'elle
avait irrites.
N'ayant rien perdu de sa science eloquente, voyant son auditoire
renouvele, il pensait avoir garde tout son ascendant, et il
meconnaissait ce que le temps apporte de changement dans la situation
des plus heureux, ce que le malheur enleve d'autorite au talent des plus
habiles. Le respect et l'empressement de ses disciples lui faisaient
illusion. Il ne savait pas qu'une puissance interrompue ne se retrouve
guere, et que depuis sa chute une ombre funebre avait ete portee sur
tout son avenir.
Il arriva que, presse par ses eleves, il entreprit de rediger ses lecons
theologiques. Son intention declaree etait d'affermir les fondements
memes de la foi; et puisque le philosophe etait maintenant un religieux,
de rendre temoignage de sa profession en enseignant la philosophie
religieuse. Or, la premiere verite de la philosophie religieuse, c'est
Dieu; la premiere question, c'est la nature de Dieu. Son ouvrage fut
donc un traite sur la nature de Dieu, c'est-a-dire sur l'Uni
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