e pouvait etre marie une
fois, pourvu qu'il n'eut pas fait de voeu contraire. Il n'y a pas
impossibilite de soutenir l'opinion de Bayle; mais celle de D. Gervaise
a pour elle les meilleures apparences. (_Ab. Op._, ep. i, p. 16.--_P.
Ab. Epitom. theol._, c. xxxi, p. 90. Rheinwald edit. Berlin,
1835.--Bayle, _Dict. crit._, art. _Heloise_.--D. Gervaise, _Vie
d'Abeil._, t. I, p. 74.--_Hist. de saint Bernard_, par M. l'abbe
Ratisbonne, t. II, p. 36.)]
La honte et la douleur, mais la douleur plus que la honte, les
accablaient a ce fatal moment. Tous deux rougissaient, gemissaient,
pleuraient; mais aucun ne se plaignait pour lui-meme. Abelard n'avait
d'autre repentir que de voir Heloise affligee, et dans le chagrin de
son amant elle mettait tout son desespoir. On les separait, mais leurs
coeurs restaient unis. La contrainte ne faisait qu'allumer en eux de
nouveaux desirs; puisque la honte avait eclate, il n'y en avait plus;
ils se faisaient comme un devoir de leur amour. Ils continuerent donc
a se voir secretement. Un jour, ils furent surpris, et le classique
Abelard dit qu'il leur arriva ce qu'une fable poetique raconte de Venus
et de Mars[73].
[Note 73: Ep. i, p. 13.]
Peu apres, Heloise s'apercut qu'elle etait grosse, et avec l'exaltation
de la joie, elle l'ecrivit a son maitre, le consultant sur ce qu'il y
avait a faire. Une nuit, en l'absence de l'oncle, il entra furtivement
dans la maison, et comme ils en etaient convenus, il emmena Heloise et
la conduisit incontinent dans sa patrie. La, il l'etablit chez sa soeur,
ou elle demeura jusqu'a ce qu'elle mit au monde un fils qui recut d'elle
le nom de Pierre Astrolabe[74].
[Note 74: _Astrolabius_ ou _Astralabius_ dans les lettres d'Abelard
et d'Heloise, _Petrus Astralabius_ dans le necrologe du Paraclet. Je ne
sais pourquoi plusieurs historiens veulent que ce nom signifie _Astre
brillant_. On appelait alors astrolabe la sphere plane a l'aide de
laquelle on demontrait le systeme de Ptolemee. (_Ab. Op._, ep. i, p. 13;
part. II, ep. xxiv et xxv, p. 343 et 345; Not., p. 1149.--Pezji _Thes.
anecdot. noviss._, t. III, part. II, p. 95 et 110.)]
Non loin du Pallet, au confluent de la Moine et de la Sevre nantaise,
s'elevent les majestueuses ruines du chateau de Clisson[75]. Elles
dominent encore le cours limpide et charmant de ces deux rivieres, et
les grandes masses de rochers et de verdure qui en couvrent les
bords escarpes. On peut croire que ces sites admirables qui, di
|