de Frisingen, Jean de Salisbury, les
auteurs de la _Chronique du couvent de Morigni_, etc. etc. (_Ab.
Op._, ep. I, p. 6; ep. II, p. 46; pars II, ep. I, p. 218. Not., p.
1155.--Saint Bern.; ep. CLXXXVIII, CLXXXIX, etc.--Ott. Fris. _De Gest.
Frid._, l. I, c. XLVII.--Johan. Saresb. _Metal_. l. II, c. x.--_Rec.
des Hist. Ex Chron. maurin._, t. XII, p. 80.)]
Telle etait sa situation a ce moment le plus calme et le plus brillant
de sa vie. Il ne devait cette situation qu'a lui-meme, a son travail, a
son opiniatrete, a sa belliqueuse eloquence, et rien ne lui interdisait
de penser qu'il la dut aussi a l'empire de la verite.
Il semblait donc, il pouvait se croire revetu d'un apostolat
philosophique; et cette fois, la mission spirituelle n'etait pas une
mission de pauvrete, d'humiliations ni de souffrances. Sa richesse
egalait sa renommee; car l'enseignement n'etait pas gratuitement donne
a ces cinq mille etudiants qui, dit-on, venaient de tous les pays
pour l'entendre. Parvenu a ce faite de grandeur intellectuelle et de
prosperite mondaine, il n'avait plus qu'a vivre en repos.
Mais le repos etait impossible: il ne convient qu'aux destinees obscures
et aux ames humbles. Abelard s'estimait desormais, c'est lui qui
l'avoue, le seul philosophe qu'il y eut sur la terre[53]. Aucune raison
humaine n'a encore resiste a l'epreuve d'un rang supreme et unique.
Abelard, oisif, ne pouvait donc rester calme; il fallait que par quelque
issue l'inquietude ardente de sa nature se fit jour et se donnat
carriere. Des passions tardives eclaterent dans son ame et dans sa vie,
et il entra, pousse par elles, dans une destinee nouvelle et tragique
qui est devenue presque toute son histoire.
[Note 53: "Cum jam me solum in mundo superesse philosophum
estimarem." (Ep. I, p. 9.)]
Il avait jusqu'alors vecu dans la preoccupation exclusive de ses etudes
et de ses progres. La science et l'ambition, qui animaient sa vie, la
maintenaient pure et reguliere. On ne voit meme pas que les premiers
feux de la jeunesse y eussent porte quelque desordre. Il montrait pour
les habitudes dereglees d'une grande partie des habitants des ecoles
un dedaigneux eloignement. Quoique sa reputation lui eut attire la
bienveillance de quelques grands de la terre, il les voyait peu, et sa
vie toute d'activite litteraire l'ecartait de la societe des nobles
dames; il connaissait a peine la conversation des femmes laiques[54].
D'ailleurs, si jamais Abelard devait aimer, c'etait
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