tion naissante de ses condisciples,
et la celebrite etablie des maitres eux-memes. Nul ne semblait a ses
auditeurs digne ou capable de rivaliser avec lui dans l'art de la
dialectique; et chaque jour plus presomptueux, ne redoutant aucun
voisinage, il voulut rapprocher son ecole et la transporter a Corbeil,
place forte qui ne tarda pas a devenir un chateau royal comme Melun[20].
La, plus pres de Paris, il donnait pour ainsi dire l'assaut a la
citadelle de l'ecole de Notre-Dame.
[Note 20: Le comte de Melun et celui de Corbeil avaient ete reunis,
puis separes. Le premier revint d'abord a la couronne par la mort de
Rainauld, eveque de Paris et chancelier, comte de Melun; il y eut alors
un vice-comte (vicomte). Puis, Philippe Ier prit possession de la ville
qui etait fortifiee comme tout chef-lieu de fief (_Meldunum castrum,
castellum_); il en fit un siege royal, c'est-a-dire qu'etant la ville
d'un domaine dont le roi etait seigneur, elle devint une de ses
residences et il y etablit sa justice. Philippe Ier y mourut en
1108. C'est son successeur, Louis le Gros, qui reunit dans les memes
conditions le comte de Corbeil par l'abandon du neveu du dernier comte.
C'est a une epoque bien voisine de cet evenement, si ce n'est lors de
cet evenement meme, qu'Abelard vint a Corbeil. (_Ab. Op._. Not., p.
1195.)]
Cependant un travail excessif avait epuise ses forces et altere sa
sante. Il fut oblige de quitter la France, de voyager, et probablement
de visiter sa patrie, laissant apres lui de vifs et longs regrets, et
sans cesse ardemment rappele par tous ceux qu'interessait l'enseignement
de la dialectique. Tres-peu d'annees se passerent ainsi, celles
peut-etre pendant lesquelles il entendit Roscelin; et il se sentait
retabli, lorsqu'il apprit que son ancien maitre avait abandonne la
chaire de Notre-Dame.
En 1108, au temps de Paques, prenant l'habit religieux, l'archidiacre
Guillaume de Champeaux s'etait retire, avec quelques-uns de ses
disciples, pres d'une chapelle au sud-est de Paris, ou etait ensevelie
une recluse morte en grand renom de piete.
Il y avait forme une congregation volontaire de clercs reguliers, qui
devint plus tard l'abbaye de Saint-Victor. C'est la que, commencant une
vie de paix et de piete, il esperait trouver un abri contre les attaques
et les luttes qu'il prevoyait, ou meme se preparer a l'episcopat, qu'il
pouvait souhaiter comme une delivrance ou comme un asile.
Cette retraite qu'accompagnait un change
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