issait sur ce point perdait aussitot son
credit et toute confiance en lui-meme. Quiconque se retractait en cela
renoncait a convaincre et a guider. Du jour ou Guillaume de Champeaux
eut corrige ou delaisse son opinion, le decouragement le prit, ses
lecons furent negligees; a peine l'ecouta-t-on encore, a peine lui
permit-on de s'expliquer sur les autres parties de la dialectique. Il
semblait que ce point abandonne eut emporte toute la science avec lui.
En meme temps, la doctrine et la position d'Abelard acquirent plus de
force et d'influence; beaucoup de ceux qui l'attaquaient auparavant
passerent de son cote. De toutes parts, et du sein meme de l'ecole
opposee, on accourut dans la sienne.
En quittant le cloitre de Notre-Dame pour l'institut naissant de
Saint-Victor, Guillaume n'avait point laisse sa chaire deserte. Un
successeur s'y etait assis et devait y continuer son oeuvre; mais le
gouvernement de la science avait passe en d'autres mains; decourage ou
converti, le nouveau maitre offrit sa place a Abelard, et se rangea
parmi ses auditeurs. L'empire de l'ecole lui fut ainsi regulierement
devolu, car c'etait alors une regle qu'on ne pouvait enseigner qu'avec
l'autorisation d'un maitre reconnu, et comme son suppleant et son
delegue. Enseigner de son propre chef, ce qu'on appelait enseigner sans
maitre[26] etait une temerite et presque un delit. Aussi, ne pouvant
plus l'attaquer lui-meme, Guillaume au desespoir attaqua-t-il son propre
successeur; de honteuses accusations furent dirigees contre lui, dont
la plus grave sans doute et la moins avouee etait sa deference pour
Abelard. Il fut interdit, et comme Guillaume de Champeaux etait
apparemment reste titulaire de sa chaire, il la fit donner a quelque
adversaire anonyme du nouveau docteur, qui fut force de retourner a
Melun, et d'y recommencer ses lecons.
[Note 26: _Sine magistro_, sans avoir ou la maitrise ou
l'autorisation magistrale. (_Ab. Op._, ep. 1; p. 10.) Il fallait,
suivant M. Troplong, obtenir la licence du maitre des etudes ou
scolastique, appele aussi chancelier, ou bien etre disciple d'un maitre
titulaire et enseigner sous sa direction. De la sont venus peu a peu
tous les grades academiques, _maitre, licencie, docteur_ (Cf. _Hist.
litt. de la Fr._, t. IX, p. 8l, et t. XII, p. 93.--Pasquier, _Rech. de
la France_, l. IX, c. xxi.--D. Brial, pref. du t. XIV des _Hist. fr._,
p. xxxi.--Crevier, _Hist. de l'Univ._, t. I, l. 1, p. 132, 135, 161,
256, etc.--Tropl
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