tendant qu'il succedat a Lanfranc dans
l'archeveche de Cantorbery, et qui jouissait d'un grand credit comme
religieux et d'une grande reputation comme philosophe, avait combattu le
nominalisme, en soutenant a outrance la realite de ce qu'exprimaient
les termes abstraits et generaux, ou ce qu'on appelle _la realite des
universaux_. Devancant meme cette polemique, un concile tenu a Soissons,
en 1092, avait condamne la doctrine de Roscelin, comme fausse en
elle-meme, et comme incompatible avec le dogme de la Trinite, puisqu'en
n'attribuant l'existence qu'aux individus, elle annulait celle des trois
personnes, ou les realisait en trois essences individuelles, ce qui
etait admettre trois dieux.
Roscelin avait ete force de s'exiler en Angleterre. On croit que dans
le cours de ses voyages notre Pierre fut un de ses auditeurs; mais on
ignore quand il le rencontra. Il est certain qu'il suivit ses lecons, et
probablement avant de venir a Paris. Il l'entendit du moins etant fort
jeune; il a dit plus tard qu'il l'avait eu pour maitre, et il a dit
aussi qu'il trouvait sa doctrine insensee[7].
[Note 7: "Magistri nostri Roscellini tam insana sententia." (Ouvr.
ined. _Dialect._, p. 471.) C'est Othon de Frisingen qui veut que le
premier maitre d'Abelard ait ete Roscelin, lequel a sans aucun doute
ete son maitre, mais qui ne peut avoir ete le premier, encore moins son
precepteur dans sa famille, comme quelques-uns l'ont cru. Rien ne prouve
que Roscelin ait enseigne en Bretagne. Proscrit lorsqu'Abelard avait
treize ans, il ne peut guere l'avoir connu que plus tard dans ses
courses plus ou moins secretes en France. (_Id._, Introd., p. xl et
suiv.) Abelard le traite avec severite, il l'a refute et meme attaque
violemment. (_Ab. Op._, ep. XXI, p. 334; Not., p. 1743.--Ou. Fris. _De
Gest. Frid. I_, l. I, c. XLVII.--_Philosophie dans le moyen age,_ par M.
Rousselot, t. I, c. V.)]
On croit qu'il n'avait guere que vingt ans lorsqu'il vit Paris pour la
premiere fois[8].
[Note 8: Peut-etre meme etait-il plus jeune; les auteurs du _Recueil
des historiens des Gaules et de la France_ veulent qu'il ait entendu
Guillaume de Champeaux, a Paris, avant la fin du XIe siecle, (t. XIII,
p. 654). Le P. Dubois, dans son _Histoire ecclesiastique de Paris_, dit
qu'Abelard arriva dans cette ville en 1100 (t. 1, l. XI, c. VII, p.
777). Duboulai voudrait meme faire remonter son arrivee jusqu'en 1095.
(_Hist. Universit. parisiens_. t. II p. 8.)]
Cette vill
|