esseurs, les lettres, les
ecoles, et quelquefois l'Eglise et le public.
[Note 5: On sait que notre faculte des lettres s'appelait autrefois
la faculte des arts; d'ou le titre de maitre es arts. Le nom d'_artista_
fut donne dans le XIe siecle aux philosophes, qui a Rome etaient aussi
appeles [Grec: technikoi], quand ils s'adonnaient a l'enseignement et a
la controverse. Budaeus, _Observ. select._ XIV et XVI, t. VI, p. 121 et
130. Hall., 1702.]
A l'epoque ou le jeune Pierre se mit a courir le pays pour chercher les
aventures philosophiques, un homme s'etait fait dans les ecoles une
grande renommee. C'etait Jean Roscelin, ne comme lui en Bretagne, et
chanoine de Compiegne. Ce maitre avait trouve assez repandue cette
doctrine, qui n'etait pas cependant toujours explicite, que les noms
appeles plus tard abstraits par les grammairiens designent, pour le
plus grand nombre, des realites, tout comme les noms des choses
individuelles, et que ces realites, pour etre inaccessibles a nos
perceptions immediates, n'en sont pas moins les objets serieux et
substantiels d'une veritable science. Il combattit cette idee qu'il
contraignit a se developper et a s'eclaircir; et il soutint que tous les
noms abstraits, c'est-a-dire tous les noms des choses qui ne sont pas
des substances individuelles, que par consequent les noms des especes et
des genres qui n'existent point hors des individus qui les composent,
et les noms des qualites et des parties qui ne peuvent etre isolees des
sujets ou des touts auxquels on les rattache, les unes sans disparaitre,
les autres sans cesser d'etre des parties, n'etaient en effet que des
noms. Puisqu'ils n'etaient pas les designations de realites distinctes
et representables, ils ne pouvaient etre, selon lui, que des produits ou
des elements du langage, des mots, des sons, des souffles de la voix,
_flatus vocis_. Cette doctrine fut appelee la doctrine des noms, le
systeme des mots, _sententia vocum_; les historiens de la philosophie
l'appellent le _nominalisme_[6].
[Note 6: Voyez le l. II de cet ouvrage, c. II, VIII, IX et X.]
Cette doctrine illustra son auteur qui ne l'avait pas inventee tout
entiere, mais qui, la rencontrant en principe dans Aristote, l'avait,
apres Raban-Maur et Jean le Sourd, hardiment poussee a ses extremes
consequences et redigee en termes absolus; mais elle compromit le repos
et la surete de Roscelin. L'Eglise s'etait alarmee; saint Anselme, alors
abbe du Bec en Normandie, en at
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