scuter en se
promenant[4]. La philosophie avait alors ses chevaliers errants.
[Note 4: _Ab. Op._, ep. I, p. 4.]
La France ne manquait pas de maitres et d'ecrivains qui cultivaient la
dialectique. Des sciences qui occupaient les esprits, c'etait celle qui
commencait a faire le plus de bruit et a donner le plus de renommee.
Elle rivalisait d'importance et presque de pouvoir avec la theologie
qu'elle servait et inquietait tour a tour. La grammaire et la rhetorique
qui, unies a ces deux sciences et a quelques etudes mathematiques,
composaient presque tout l'enseignement de l'epoque, ne venaient que
loin apres la dialectique dans l'estime des hommes instruits. La
dialectique, c'etait alors la philosophie proprement dite. On l'appelait
un art, parce qu'on ne l'enseignait pas sans la pratiquer, et que
l'etude du raisonnement ne va pas sans le besoin d'en montrer les
ressources, d'en essayer les procedes, d'en eprouver les forces[5]. On
apprenait, sous le nom de cet art, une grande partie de ce que contient
la Logique d'Aristote, que l'on connaissait par des traductions
incompletes et surtout par l'intermediaire de Porphyre et de Boece.
L'introduction que le premier a jointe aux categories, c'est-a-dire aux
prolegomenes de la Logique, faisait corps avec elle; on n'en separait
pas les versions et les commentaires du second. Ainsi l'on ne savait la
dialectique qu'a la condition d'avoir appris tout ce qui regarde les
cinq voix ou les rapports generaux des idees et des choses entre elles,
exprimes par les noms de genre, d'espece, de difference, de propriete et
d'accident; les categories ou predicaments, c'est-a-dire les idees les
plus generales auxquelles puisse etre ramene tout ce que nous savons
ou pensons des choses; la theorie de la proposition ou les principes
universels du langage; le raisonnement et la demonstration, ou la
theorie et les formes du syllogisme; les regles de la division et de la
definition; la science enfin de la discussion et de la refutation, ou la
connaissance du sophisme. En etudiant toutes ces choses, on trouvait,
chemin faisant, de nombreuses questions qui permettaient de joindre
l'exemple au precepte; c'etaient des questions d'abord de logique pure,
puis de physique, de metaphysique, de morale, et souvent de theologie.
Sur ces questions s'echauffaient les esprits, s'animaient les passions,
et brillaient ceux qui se livraient a l'enseignement et a la dispute;
sur ces questions se partageaient les prof
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