ere, avant de prendre le
metier des armes, avait recu de l'instruction, et il en conservait un
tel gout pour les lettres qu'il voulut le transmettre a ses enfants et
faire preceder par quelques etudes leur education guerriere. L'amour
qu'il portait a son fils aine lui inspira des soins particuliers,
auxquels celui-ci repondit par dela toute esperance. Il annoncait des
dispositions brillantes. Dans cette vieille Armorique qui passait
pour devoir son nom de Bretagne a la brutalite de ses habitants, on
remarquait des lors une singuliere aptitude aux choses qui demandent
la subtilite de l'esprit, et le jeune Pierre tenait du lieu natal, ou
plutot de sa race, une remarquable facilite[3]. Ses progres furent
bientot tels qu'il s'eprit d'une passion vive pour l'etude, et, dans son
ardeur, il resolut de se consacrer aux lettres tout entier. Renoncant
a la gloire militaire, et abandonnant a ses freres son heritage et
son droit d'ainesse, il s'adonna surtout a la philosophie, et dans
la philosophie, a la science de la dialectique, cet art de la guerre
intellectuelle dont il preferait a tout les armes, les combats et les
trophees.
[Note 2: Le Pallet, _Palatium_ (on trouve aussi Palet, Palais,
Paletz, Palez), est situe a 19 ou 20 kilometres au sud-est de Nantes,
sur la route de Chollet et de Poitiers, "oppidum ... ab urbe Nannetica
versus orientem octo miliariis remotum." L'eglise est sur le penchant
d'une butte, appelee encore la butte d'Abelard. C'est l'ancienne
chapelle du chateau, donnee a la commune, comme je l'ai appris du cure
en 1843, par le dernier seigneur Barin de Froidmanteau, de la meme
famille que les La Galissonniere, dont la residence se voit a moins
d'une demi-lieue en avant. Les ruines du chateau, detruit d'abord en
1420, puis sous Louis XIII, ou quatre pans de murs, hauts de 1 metre
environ, renfermant un carre d'a peu pres 30 metres de cote, passent
pour la maison d'Abelard, qu'on a dit aussi ne dans une autre maison
plus modeste, demolie il y a sept ou huit ans par M. Dufrene, procureur
du roi. Berenger peut avoir ete chatelain du lieu, quoiqu'il fut
Poitevin, suivant l'unique temoignage d'une des epitaphes d'Abelard (_ex
Chron. Rich. Pictav._), Namque oritur patre Pictavis et Britone matre,
si toutefois on n'a pas fait confusion avec Berenger de Poitiers, dont
il sera question plus bas. Mais rien n'empeche de voir en lui l'ancetre
de ces seigneurs du Pallet qui, jusqu'au XVe siecle, figurent dans les
annales
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