a l'agonie,
Et Dieu, dans son Delta, rit d'un rire cruel.
Quand notre passion sera-t-elle finie?
Le sang coule avec l'eau de notre flanc ouvert;
La sueur rouge teint notre face jaunie.
Assez comme cela nous avons trop souffert.
De nos levres, Seigneur, detournez ce calice,
Car pour nous racheter votre fils s'est offert.
Christ n'y peut rien: il faut que le sort s'accomplisse;
Pour sauver ce vieux monde il faut un Dieu nouveau,
Et le pretre demande un autre sacrifice.
Voici bien deux mille ans que l'on saigne l'agneau;
Il est mort a la fin, et sa gorge epuisee
N'a plus assez de sang pour teindre le couteau.
Le Dieu ne viendra pas. L'Eglise est renversee.
THEBAIDE.
Mon reve le plus cher et le plus caresse,
Le seul qui rie encor a mon coeur oppresse,
C'est de m'ensevelir au fond d'une chartreuse,
Dans une solitude inabordable, affreuse;
Loin, bien loin, tout la-bas, dans quelque Sierra
Bien sauvage, ou jamais voix d'homme ne vibra,
Dans la foret de pins, parmi les apres roches,
Ou n'arrive pas meme un bruit lointain de cloches;
Dans quelque Thebaide, aux lieux les moins hantes,
Comme en cherchaient les saints pour leurs austerites;
Sous la grotte ou grondait le lion de Jerome,
Oui, c'est la que j'irais pour respirer ton baume
Et boire la rosee a ton calice ouvert,
O frele et chaste fleur, qui crois dans le desert
Aux fentes du tombeau de l'Esperance morte!
De non coeur depeuple je fermerais la porte
Et j'y ferais la garde, afin qu'un souvenir
Du monde des vivants n'y put pas revenir;
J'effacerais mon nom de ma propre memoire;
Et de tous ces mots creux: Amour, Science et Gloire
Qu'aux jours de mon avril mon ame en fleur revait,
Pour y dormir ma nuit j'en ferais un chevet;
Car je sais maintenant que vaut cette fumee
Qu'au-dessus du neant pousse une renommee.
J'ai regarde de pres et la science et l'art:
J'ai vu que ce n'etait que mensonge et hasard;
J'ai mis sur un plateau de toile d'araignee
L'amour qu'en mon chemin j'ai recue et donnee:
Puis sur l'autre plateau deux grains du vermillon
Impalpable, qui teint l'aile du papillon,
Et j'ai trouve l'amour leger dans la balance.
Donc, recois dans tes bras, o douce somnolence,
Vierge aux pales couleurs, blanche soeur de la mort,
Un pauvre naufrage des tempetes du sort!
Exauce un malheureux qui te prie et t'implore,
Egraine sur son front le pavot inodore,
Abrite-le d'un pan de ton grand manteau noir,
Et du doigt clos ses yeux qui ne veulent plu
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