luisaient,
Et quels soupirs ardents de leurs coeurs s'elancaient!
Et toi, Jourdain, reponds, sous les berceaux de palmes,
Quand la lune trempait ses pieds dans tes eaux calmes,
Et que le ciel semait sa face de plus d'yeux,
Que n'en traine apres lui le paon tout radieux;
Ne les as-tu pas vus sur les fleurs et les mousses,
Glisser en se parlant avec des voix plus douces
Que les roucoulements des colombes de mai,
Que le premier aveu de celle que j'aimai;
Et dans un pur baiser, symbole du mystere,
Unir la terre au ciel et le ciel a la terre.
Les echos sont muets, et le flot du Jourdain
Murmure sans repondre et passe avec dedain;
Les morts de Josaphat, troubles dans leur silence,
Se tournent sur leur couche, et le vent frais balance
Au milieu des parfums dans les bras du palmier,
Le chant du rossignol et le nid du ramier.
Frere, mais voyez donc comme la Madeleine
Laisse sur son col blanc couler a flots d'ebene
Ses longs cheveux en pleurs, et comme ses beaux yeux,
Melancoliquement, se tournent vers les cieux!
Qu'elle est belle! Jamais, depuis Eve la blonde,
Une telle beaute n'apparut sur le monde;
Son front est si charmant, son regard est si doux,
Que l'ange qui la garde, amoureux et jaloux,
Quand le desir craintif rode et s'approche d'elle,
Fait luire son epee et le chasse a coups d'aile.
O pale fleur d'amour eclose au paradis!
Qui repands tes parfums dans nos deserts maudits,
Comment donc as-tu fait, o fleur! pour qu'il te reste
Une couleur si fraiche, une odeur si celeste?
Comment donc as-tu fait, pauvre soeur du ramier,
Pour te conserver pure au coeur de ce bourbier?
Quel miracle du ciel, sainte prostituee,
Que ton coeur, cette mer, si souvent remuee,
Des coquilles du bord et du limon impur,
N'ait pas, dans l'ouragan, souille ses flots d'azur,
Et qu'on ait toujours vu sous leur manteau limpide,
La perle blanche au fond de ton ame candide!
C'est que tout coeur aimant est rehabilite,
Qu'il vous vient une autre ame et que la purete
Qui remontait au ciel redescend et l'embrasse,
comme a sa soeur coupable une soeur qui fait grace;
C'est qu'aimer c'est pleurer, c'est croire, c'est prier;
C'est que l'amour est saint et peut tout expier.
Mon grand peintre ignore, sans en savoir les causes,
Dans ton sublime instinct tu comprenais ces choses,
Tu fis de ses yeux noirs ruisseler plus de pleurs;
Tu gonflas son beau sein de plus hautes douleurs;
La voyant si coupable et prenant pitie d'elle,
Pour qu'on lui pardonn
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