Fuyez sans vous tourner pour voir,
Et, ne vous arretez qu'en des retraites sures,
Ou se trouve un flot clair pour laver vos blessures
Et du gazon pour vous asseoir!
III.
C'est la necessite! c'est la regle fatale!
Toujours l'esprit le cede a la force brutale;
Et quand la passion, aux beaux elans divins,
Avec le positif veut en venir aux mains,
Ardente, et n'ecoutant que le feu qui l'anime,
Engage le combat sur le pont de l'abime;
Elle ne peut tenir, avec ses mains d'enfant,
Contre ces grands chevaux a forme d'elephant,
Cabres et renverses sur leurs enormes croupes,
Contre ces forts guerriers et ces robustes troupes
Aux bras durs et noueux comme des chenes verts,
Aux musculeux poitrails, de buffle recouverts;
Toujours le pied lui manque, et de fleches criblee,
Elle tombe en hurlant dans l'onde flagellee,
Ou son corps va trouver les caimans du fond.
Cependant, les vainqueurs, sur la crete du pont,
Sans donner une plainte aux victimes noyees,
Passent, tambours battants, enseignes deployees.
Cette planche, gravee en six cartons divers,
Par Lucas Vostermann, d'apres Rubens, d'Anvers,
Femmes, au coeur hautain, pales cariatides,
Qui ployez a regret des tetes moins timides
Sous le fronton pesant des devoirs et des lois,
Et qui vous refusez a porter votre croix,
De votre destinee est l'effrayant symbole
Et je l'y vois ecrite en sombre parabole:
Comme vous, autrefois, folles de liberte,
Des femmes au grand coeur, a la male beaute,
Se brulerent un sein, et mirent a la place
La Meduse sculptee au coeur de la cuirasse;
Elles laisserent la l'aiguille et les fuseaux,
La navette qui court a travers les reseaux,
Les travaux de la femme et les soins du menage,
Pour la lance et l'epee, instruments de carnage;
Negligeant la parure, et n'ayant pour se voir
Qu'un bouclier d'airain, fauve et louche miroir;
Au Thermodon, qu'enjambe un pont d'une seule arche,
Leur troupe rencontra la grande armee en marche;
Ce fut un choc terrible, et sur le pont, longtemps
Incertaine maree, on vit les combattants,
Les chevelures d'or ou bien les tetes brunes,
Femmes, soldats, suivant leurs diverses fortunes,
Pousser et repousser leur flux et leur reflux,
Et longtemps la victoire, aux pieds irresolus,
Mesurant le terrain et supputant les pertes,
Erra d'un camp a l'autre avec ses palmes vertes.
De fatigue a la fin, les bras freles et blancs
Laisserent, tout meurtris, choir leurs glaives sanglants
Trop faibles ouvriers pour de si f
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