hevaux dans ma trompe,
Et je les jette en l'air sans plus m'en soucier!
Les piques, sous mes pieds, se couchent comme l'herbe
Je jette a chaque pas, sur la terre, une gerbe
De blesses et de morts.
Au coeur de la bataille, aux lieux ou la melee
Rugit plus furieuse et plus echevelee,
Comme un mortier sanglant, je vais gachant les corps.
Les fleches font sur moi le petillement grele,
Que par un jour d'hiver font les grains de la grele
Sur les tuiles d'un toit.
Les plus forts javelots, qui faussent les cuirasses,
Effleurent mon cuir noir sans y laisser de traces,
Et par tous les chemins je marche toujours droit.
Quand devant moi je trouve un arbre, je le casse;
A travers les bambous, je folatre et je passe
Comme un faon dans les bles.
Si je rencontre un fleuve en route, je le pompe,
Je desseche son urne avec ma grande trompe,
Et laisse sur le sec ses hotes ecailles.
Mes defenses d'ivoire eventreraient le monde,
Je porterais le ciel et sa coupole ronde
Tout aussi bien qu'Atlas.
Rien ne me semble lourd; pour soutenir le pole;
Je pourrais lui preter ma rude et forte epaule.
Je le remplacerai quand il sera trop las!
II.
Quand Behemot eut dit jusqu'au bout sa harangue,
Leviathan, ainsi, repondit, en sa langue.
III.
LEVIATHAN.
Taisez-vous, Behemot, je suis Leviathan;
Comme un enfant mutin je fouette l'Ocean
Du revers de ma large queue.
Mes vieux os sont plus durs que des barres d'airain,
Aussi Dieu m'a fait roi de l'univers marin,
Seigneur de l'immensite bleue.
Le requin endente d'un triple rang de dents,
Le dauphin monstrueux, aux longs fanons pendants,
Le kraken qu'on prend pour une ile,
L'orque immense et difforme et le lourd cachalot,
Tout le peuple squameux qui laboure le flot,
Du cetace jusqu'au nautile;
Le grand serpent de mer et le poisson Macar,
Les baleines du pole, a l'oeil rond et hagard,
Qui soufflent l'eau par la narine;
Le triton fabuleux, la sirene aux chants clairs,
Sur le flanc d'un rocher, peignant ses cheveux verts
Et montrant sa blanche poitrine;
Les oursons etoiles et les crabes hideux,
Comme des coutelas agitant autour d'eux
L'arsenal crochu de leurs pinces;
Tous, d'un commun accord, m'ont reconnu pour roi.
Dans leurs antres profonds, ils se cachent d'effroi
Quand je visite mes provinces.
Pour l'oeil qui peut plonger au fond du gouffre noir,
Mon royaume est superbe et magnifique a voir:
Des vegetati
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