ve de son coeur sous une forme d'ange.
Notre melancolie, a nous, n'est pas ainsi;
Et nos peintres la font autrement. La voici:
--C'est une jeune fille et frele et maladive,
Penchant ses beaux yeux bleus au bord de quelque rive,
Comme un wergeis-mein-nicht que le vent a courbe;
Sa coiffure est defaite, et son peigne est tombe,
Ses blonds cheveux epars coulent sur son epaule,
Et se melent dans l'onde aux verts cheveux du saule;
Les larmes de ses yeux vont grossir le ruisseau,
Et troublent, en tombant, sa figure dans l'eau.
La brise a plis legers fait voler son echarpe,
Et vibrer en passant les cordes de sa harpe;
Un album, un roman pres d'elle sont ouverts:
Car la mode la suit jusque dans ses deserts.
Notre Melancolie est petite-maitresse,
Elle prend des grands airs, elle fait la princesse;
Elle met des gants blancs et des chapeaux d'Herbault;
Elle est nee, et ne voit que des gens comme il faut;
Son groom ne pese pas plus de soixante livres;
C'est une Philaminte, elle lit tous les livres,
Cause fort bien musique, et peinture pas mal;
Elle suit l'Opera, ne manque pas un bal;
Poitrinaire tout juste assez pour etre artiste,
Elle a toujours en main un mouchoir de batiste.
On ne la verra pas enterrer tristement
Dans quelque Sierra son teint pale et charmant,
Ses graces de malade et ses petites mines;
Ni sous les noirs arceaux d'un couvent en ruines,
Promener loin du bruit ses meditations:
Il faut a ses douleurs la rampe et les lampions,
Il faut que les journaux en puissent rendre compte;
Chaque pleur de ses yeux se cristallise en conte;
Avec chaque soupir elle souffle un roman;
Elle meurt; mais ce n'est que litterairement.
Un frais cottage anglais, voila sa Thebaide;
Et si son front de nacre est coupe d'une ride,
Ce n'est pas, croyez-moi, qu'elle songe a la mort:
Pour craindre quelque chose elle est trop esprit fort.
Mais c'est que de Paris une robe attendue
Arrive chiffonnee et de taches perdue.
Ah! quelle difference, et que pres de ces vieux
Nous paraissons mesquins! Le sang de nos aieux,
Comme un vin qui s'aigrit s'est tourne dans nos veines;
Rien ne vit plus en nous, nos amours et nos haines
Sont de pales vieillards sans force et sans vigueur,
Chez qui la tete semble avoir pompe le coeur.
La passion est morte avec la foi; la terre
Accomplit dans le ciel sa ronde solitaire,
Et se suspend encore aux levres du soleil;
Mais le soleil vieillit, son baiser moins vermeil
Glisse sans les chauffer sur nos fronts, et s
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