revenir.
Helas! et pour ne pas oublier qu'il existe,
Il le faut embaumer avec le souvenir.
J'etais. Je ne suis plus. Toute la vie humaine
Resumee en deux mots, de l'onde et puis du vent.
Mon Dieu! n'est-il donc pas de chemin qui ramene
Au bonheur d'autrefois regrette si souvent.
Derriere nous le sol se crevasse et s'effondre.
Nul ne peut retourner. Comme un maigre troupeau
Que l'on mene au boucher, ne pouvant plus le tondre,
La vieille Mob nous pousse a grand train au tombeau.
Certe, en mes jeunes ans, plus d'un bal doit eclore,
Plein d'or et de flambeaux, de parfums et de bruit,
Et mon coeur effeuille peut refleurir encore;
Mais ce ne sera pas mon bal de l'autre nuit.
Car j'etais avec toi. Tous deux seuls dans la foule,
Nous faisant dans notre ame une chaste Oasis,
Et, comme deux enfants au bord d'une eau qui coule,
Voyant onder le bal, l'un contre l'autre assis.
Je ne pouvais savoir, sous le satin du masque,
De quelle passion ta figure vivait,
Et ma pensee, au vol amoureux et fantasque,
Realisait, en toi, tout ce qu'elle revait.
Je nuancais ton front des paleurs de l'agate,
Je posais sur ta bouche un sourire charmant,
Et sur ta joue en fleur, la pourpre delicate
Qu'en s'envolant au ciel laisse un baiser d'amant.
Et peut-etre qu'au fond de ta noire prunelle,
Une larme brillait au lieu d'eclair joyeux,
Et, comme sous la terre une onde qui ruisselle,
S'ecoulait sous le masque invisible a mes yeux.
Peut-etre que l'ennui tordait ta levre aride,
Et que chaque baiser avait mis sur ta peau,
Au lieu de marque rose, une tache livide
Comme on en voit aux corps qui sont dans le tombeau.
Car si la face humaine est difficile a lire,
Si deja le front nu ment a la passion,
Qu'est-ce donc, quand le masque est double? Comment dire
Si vraiment la pensee est soeur de l'action?
Et cependant, malgre cette pensee amere,
Tu m'as laisse, cher bal, un souvenir charmant;
Jamais reve d'ete, jamais blonde chimere,
Ne m'ont entre leurs bras berce plus mollement.
Je crois entendre encor tes rumeurs etouffees,
Et voir devant mes yeux, sous ta blanche lueur,
Comme au sortir du bain, les peris et les fees,
Luire des seins d'argent et des cols en sueur.
Et je sens sur ma bouche une amoureuse haleine,
Passer et repasser comme une aile d'oiseau,
Plus suave en odeur que n'est la marjolaine
Ou le muguet des bois, au temps du renouveau.
O nuit! aimable nuit! soeur de Luna la blonde,
Je ne veux plus servir qu'une dee
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