Qui, le pied sur la borne et les cheveux epars,
Jurent a six gredins, tout grouillants de vermine,
Qu'ils ont vraiment sauve Rome de la ruine.
Rome se sauvera toute seule, tres-bien;
Ses destins sont ecrits et nous n'y ferons rien;
Qui pourrait enrayer la fortune et sa roue?
Que le char de l'etat s'enfonce dans la boue,
Ou, par les rangs presses de ce betail humain,
S'ouvre, en les ecrasant, un plus large chemin;
Nous trouverons toujours dans l'ombre et sur la mousse
Quelque petit sentier, par une pente douce,
Regagnant le sommet d'un coteau separe,
D'ou l'oeil se perd au fond d'un lointain azure;
Et nous attendrons la que notre jour arrive,
Voyant de haut la mer se briser a la rive,
Et les vaisseaux la-bas palpiter sous le vent.
La mort n'a pas besoin que l'on aille au devant;
Marchands, hommes de guerre, orateurs et poetes,
La Mort, de tout cela, fait de pareils squelettes;
Pour sa gerbe elle prend l'epi comme la fleur,
Et ne respecte rien, ni forme, ni couleur;
Elle va, du coupant de sa courbe faucille,
Jetant bas le vieillard avec la jeune fille;
Elle fauche le champ de l'un a l'autre bout,
Et dans son grenier noir elle serre le tout.
A quoi bon s'efforcer jusques a perdre haleine,
Courir a droite, a gauche, et prendre tant de peine,
Quand peut-etre le fer, pres de notre sillon,
Se balance et fait luire un sinistre rayon.
Quelle chose est utile en ce monde ou nous sommes?
Et quand la vieille a mis en tas ses gerbes d'hommes,
Qui peut dire lequel etait Napoleon,
Ou l'obscur amoureux des roses du vallon?
Qui le decidera? L'existence est un songe
Ou rien n'est sur, sinon que le meme ver ronge
Le corps du citoyen utile et positif
Et le corps du reveur et du poete oisif.
Entre la fleur qui s'ouvre et le cerveau qui pense,
Entre neant et rien quelle est la difference?
CHOC DE CAVALIERS.
Hier il m'a semble, sans doute j'etais ivre,
Voir sur l'arche d'un point, un choc de cavaliers
Tout cuirasses de fer, tout imbriques de cuivre
Et caparaconnes de harnais singuliers.
Des dragons accroupis grommelaient sur leurs casques,
Des Meduses d'airain ouvraient leur yeux hagards
Dans leurs grands boucliers, aux ornements fantasque,
Et des noeuds de serpents ecaillaient leurs brassards.
Par moment, du rebord de l'arcade geante,
Un cavalier blesse, perdant son point d'appui;
Un cheval effare, tombait dans l'eau beante;
Gueule de crocodile entr'ouverte sous lui.
C'etait vous, mes desirs, c'etait vous, me
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