me l'ont faite
L'etude austere et les soucis.
Vous n'en trouveriez rien sur ce front qui medite
Et dont quelque tourmente interieure agite
Comme deux serpents les sourcils.
Ma joue etait sans plis, toute rose, et ma levre
Aux coins toujours arques, riait; jamais la fievre
N'en avait noirci le corail.
Mes yeux, vierges de pleurs, avaient des etincelles
Qu'ils n'ont plus maintenant, et leurs claires prunelles,
Doublaient le ciel dans leur email.
Mon coeur avait mon age, il ignorait la vie,
Aucune illusion, amerement ravie,
Jeune, ne l'avait rendu vieux;
Il s'epanouissait a toute chose belle,
Et dans cette existence encor pour lui nouvelle,
Le mal etait bien, le bien mieux.
Ma poesie, enfant a la grace ingenue,
Les cheveux denoues, sans corset, jambe nue,
Un brin de folle avoine en main
Avec son collier fait de perles de rosee,
Sa robe prismatique au soleil irisee,
Allait chantant par le chemin.
Et puis l'age est venu qui donne la science,
J'ai lu Werther, Rene son frere d'alliance;
Ces livres, vrais poisons du coeur,
Qui deflorent la vie et nous degoutent d'elle,
Dont chaque mot vous porte une atteinte mortelle;
Byron et son don Juan moqueur.
Ce fut un dur reveil, ayant vu que les songes
Dont je m'etais berce n'etaient que des mensonges,
Les croyances, des hochets creux.
Je cherchai la gangrene au fond de toute et comme
Je la trouvai toujours, je pris en haine l'homme
Et je devins bien malheureux.
La pensee et la forme ont passe comme un reve;
Mais que fait donc le temps de ce qu'il nous enleve?
Dans quel coin du chaos met-il
Ces aspects oublies comme l'habit qu'on change,
Tous ces moi du meme homme, et quel royaume etrange
Leur sert de patrie ou d'exil?
Dieu seul peut le savoir, c'est un profond mystere;
Nous le saurons peut-etre a la fin, car la terre
Que la pioche jette au cercueil
Avec sa sombre voix explique bien des choses,
Des effets, dans la tombe, on comprend mieux les causes.
L'eternite commence au seuil.
L'on voit... mais veuillez bien me pardonner, madame,
De vous entretenir de tout cela. Mon ame,
Ainsi qu'un vase trop rempli,
Deborde, laissant choir mille vagues pensees,
Et ces ressouvenirs d'illusions passees,
Rembrunissent mon front pali.
Eh! que vous fait cela, dites-vous, tete folle,
De vous inquieter d'une ombre qui s'envole?
Pourquoi donc vouloir retenir
Comme un enfant mutin sa mere par la robe,
Ce passe qui s'en va? de ce qu'
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