s pensees,
Qui cherchiez a forcer le passage du pont,
Et vos corps tout meurtris, sous leurs armes faussees,
Dorment ensevelis dans le gouffre profond.
LE POT DE FLEURS.
Parfois un enfant trouve une petite graine,
Et tout d'abord, charme de ses vives couleurs,
Pour la planter il prend un pot de porcelaine,
Orne de dragons bleus et de bizarres fleurs.
Il s'en va. La racine en couleuvres s'allonge,
Sort de terre, fleurit et devient arbrisseau;
Chaque jour, plus avant, son pied chevelu plonge
Tant qu'il fasse eclater le ventre du vaisseau.
L'enfant revient; surpris, il voit la plante grasse,
Sur les debris du pot brandir ses verts poignards,
Il la veut arracher, mais la tige est tenace;
Il s'obstine, et ses doigts s'ensanglantent aux dards.
Ainsi germa l'amour dans mon ame surprise;
Je croyais ne semer qu'une fleur de printemps:
C'est un grand aloes dont la racine brise
Le pot de porcelaine aux dessins eclatants.
LE SPHINX.
Dans le Jardin Royal ou l'on voit les statues,
Une chimere antique entre toutes me plait;
Elle pousse en avant deux mamelles pointues,
Dont le marbre veine semble gonfle de lait.
Son visage de femme est le plus beau du monde,
Son col est si charnu que vous l'embrasseriez;
Mais quand on fait le tour, on voit sa croupe ronde.
On s'apercoit qu'elle a des griffes a ses pieds.
Les jeunes nourrissons qui passent devant elle,
Tendent leurs petits bras et veulent avec cris,
Coller leur bouche ronde a sa dure mamelle;
Mais quand ils l'ont touchee, ils reculent surpris.
C'est ainsi qu'il en est de toutes nos chimeres,
La face en est charmante et le revers bien laid.
Nous leur prenons le sein; mais ces mauvaises meres
N'ont pas pour notre levre une goutte de lait.
PENSEE DE MINUIT.
Une minute encor, madame, et cette annee
Commencee avec vous, avec vous terminee
Ne sera plus qu'un souvenir.
Minuit: voila son glas que la pendule sonne,
Elle s'en est allee en un lieu d'ou personne
Ne peut la faire revenir.
Quelque part, loin, bien loin, par dela les etoiles,
Dans un pays sans nom, ombreux et plein de voiles,
Sur le bord du neant jete;
Limbes de l'impalpable, invisible royaume
Ou va ce qui n'a pas de corps ni de fantome,
Ce qui n'est rien ayant ete;
Ou va le son, ou va le souffle; ou va la flamme,
La vision qu'en reve, on percoit avec l'ame,
L'amour de notre coeur chasse;
La pensee inconnue eclose en notre tete;
L'ombre qu'en s'y mirant da
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