ave odeur qu'envoie au ciel, le soir,
La fleur de la vallee avec son encensoir?
Qui douterait de Dieu devant de belles femmes?
Ah! veillons sur nos coeurs et fermons bien nos ames,
Laissons tourner le monde et les choses aller;
Sans que nous la poussions, la terre peut rouler,
Et nous pouvons fort bien retirer notre epaule,
Sans faire choir le ciel et deranger le pole;
Se croire le pivot de la creation
Est une erreur commune a toute ambition;
L'on est persuade qu'on est indispensable
Et l'on ne pese pas le poids d'un grain de sable
Aux balances d'airain des grands evenements.
L'on tombe chaque jour en des etonnements
A voir quel peu d'ecume, au torrent de l'abime,
Fait un homme jete de la plus haute cime,
Et comme en peu de temps pour grand qu'il ait passe,
Par le premier qui vient on le voit remplace.
Nos agitations ne laissent pas de trace:
C'est la bulle sur l'eau qui creve et qui s'efface;
En vain l'on se raidit. Toujours d'un flot egal,
Le fleuve a travers tout court au gouffre fatal,
Et dans l'eternite mysterieuse et noire
Entraine ce gravier que l'on nomme l'histoire.
Quand votre nom serait creuse dans le rocher,
L'intarissable flot qui semble le lecher,
Ainsi qu'un chien soumis qui veut flatter son maitre,
De sa langue d'azur le fera disparaitre,
Et, si profondement qu'ait fouille le ciseau,
Le rocher a coup sur durera moins que l'eau;
Et vous, mon jeune ami, tete sereine et blonde,
A la fleur de vos ans pourquoi tenter une onde
Qui jamais n'a rendu le vaisseau confie?
Ou retrouverez-vous le temps sacrifie,
Et ce qu'a de votre ame emporte sur son aile
Des revolutions la tempete eternelle?
Pourquoi, tout en sueur, sous le soleil de plomb,
Le siroco soufflant, suivre un chemin si long,
Et traverser a pied ce grand desert de prose,
Quand le ciel est d'un bleu d'outremer, quand la rose
Offre candidement sa bouche a vos baisers,
A l'age ou les bonheurs sont tellement aises,
Que c'en est un deja d'etre au monde et de vivre?
De ses parfums ambres le printemps vous enivre,
La fleur aux doux yeux bleus vous lorgne avec amour;
Les oiseaux de leurs nids vous donnent le bonjour,
Et la fee amoureuse, afin de vous seduire,
Se baigne devant vous dans la source, et fait luire
A travers les roseaux, sous le flot argentin,
Son epaule de nacre et son dos de satin.
Mais, sourd a tout cela comme un anachorete,
Vous foulez sans pitie la pauvre violette;
La fee en soupirant rattache ses cheveux,
Rouge d'avoir pour rien
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