creve de faim ou de vieillesse,
Car tout son m'importune et tout rayon me blesse,
Tout ce qui palpite, aime ou chante, me deplait,
Et je hais l'homme autant et plus que ne le hait
Le buffle a qui l'on vient de percer la narine.
De tous les sentiments croules dans la ruine,
Du temple de mon ame, il ne reste debout
Que deux piliers d'airain, la haine et le degout.
Pourtant je suis a peine au tiers de ma journee;
Ma tete de cheveux n'est pas decouronnee;
A peine vingt epis sont tombes du faisceau:
Je puis derriere moi voir encor mon berceau.
Mais les soucis amers de leurs griffes arides
M'ont fouille dans le front d'assez profondes rides
Pour en faire une fosse a chaque illusion.
Ainsi me voila donc sans foi ni passion,
Desireux de la vie et ne pouvant pas vivre,
Et des le premier mot sachant la fin du livre.
Car c'est ainsi que sont les jeunes d'aujourd'hui:
Leurs meres les ont faits dans un moment d'ennui.
Et qui les voit aupres des blancs sexagenaires
Plutot que les enfants les estime les peres;
Ils sont venus au monde avec des cheveux gris;
Comme ces arbrisseaux freles et rabougris
Qui, des le mois de mai, sont pleins de feuilles mortes,
Ils s'effeuillent au vent, et vont devant leurs portes
Se chauffer au soleil a cote de l'aieul,
Et du jeune et du vieux, a coup sur, le plus seul,
Le moins accompagne sur la route du monde,
Helas! c'est le jeune homme a tete brune ou blonde
Et non pas le vieillard sur qui l'age a neige;
Celui dont le navire est le plus allege
D'esperance et d'amour, lest divin dont on jette
Quelque chose a la mer chaque jour de tempete,
Ce n'est pas le vieillard, dont le triste vaisseau
Va bientot echouer a l'ecueil du tombeau.
L'univers decrepit devient paralytique,
La nature se meurt, et le spectre critique
Cherche en vain sous le ciel quelque chose a nier.
Qu'attends-tu donc, clairon du jugement dernier?
Dis-moi, qu'attends-tu donc, archange a bouche ronde
Qui dois sonner la-haut la fanfare du monde?
Toi, sablier du temps, que Dieu tient dans sa main,
Quand donc laisseras-tu tomber ton dernier grain?
ROCAILLE.
Connaissez-vous dans le parc de Versailles,
Une Naiade, oeil vert et sein gonfle;
La belle habite un chateau de rocaille
D'ordre toscan et tout vermicule.
Sur les coraux et sur les madrepores,
Toute l'annee elle dort dans les joncs;
Dans le bassin, les grenouilles sonores,
Chantent en choeur et font mille plongeons.
La fete vient; la coquette Naiade
S'eveille
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