ne reconnaitrez-vous que l'homme n'a pas depasse la
mesure de ses forces, et qu'il ne court pas a la banqueroute?
Le principe general est qu'il faut arriver aux confins de la fatigue,
mais ne jamais atteindre la fatigue douloureuse. Quand il s'agit de
travail musculaire, le criterium est relativement facile a trouver. On
est averti qu'on a depasse la mesure de ses forces par deux symptomes
caracteristiques: la diminution d'appetit et la diminution de sommeil.
Cette donnee pourrait meme rendre de grands services aux chefs
militaires, dont l'ideal, tres legitime, est de faire produire a la
machine humaine son maximum de rendement, sans epuiser cependant les
forces des soldats. Malheureusement, quelques-uns d'entre eux confondent
l'entrainement et l'epuisement; ils arrivent a avoir des troupes qui
n'ont pas de valeur reelle, tout en ayant les apparences de la force.
Ces troupes, qui se sont presentees sous le plus bel aspect a des
manoeuvres de quelques jours, seraient incapables d'entrer en campagne
et de supporter des fatigues prolongees. Si les chefs de corps avaient
eu la precaution de s'enquerir de la facon dont les soldats mangent,
ou de _voir_, apres une marche prolongee, comment ils mangent, de
surveiller de temps a autre le tonneau des eaux grasses, qui recueille
tous les restes des repas, ils auraient vu que le travail excessif se
traduit par une baisse dans l'appetit. S'ils passaient, le soir, dans
les chambrees, d'une facon inopinee, ils verraient qu'a la suite de
fatigues excessives les hommes ne dorment pas bien. Et rien ne les
empecherait, d'ailleurs, de prendre parfois l'avis de leurs medecins.
Nous ne dissimulons pas la difficulte du probleme, d'autant que, chez
l'homme qui a subi un entrainement methodique, la sensation de _fatigue_
disparait; l'homme entraine ne connait pas la fatigue. L'epuisement,
chez lui, se traduit exclusivement par la diminution du poids, de
l'appetit et du sommeil, comme aussi, dans le milieu militaire en
particulier, par l'apparition des "maladies" dites accidentelles.
Et si le probleme est difficile tant qu'il ne s'agit que de depenses
musculaires, il devient plus complexe encore quand il s'agit de depenses
cerebrales. Voici un commercant oblige de brasser de grosses affaires.
Il est reveille, le matin, par le telephone voisin de son lit; pendant
toute la journee, il n'a pas un quart d'heure de tranquillite; il sent
peser sur lui des responsabilites ecrasantes; sa vie n'es
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