squelles j'ai recule. Le comedien m'a pris tout entier, il m'a
bouleverse. J'ai senti en lui un homme, un etre vivant empli de mes
propres passions. Desormais, il y a une commune mesure entre lui et moi.
D'abord, cette piece: _la Mort civile_, m'a paru un drame des plus
curieux. Une certaine Rosalie, dont le mari a ete condamne aux galeres a
perpetuite est entree comme gouvernante chez le docteur Palmieri, qui a
adopte la fille de Conrad, Emma, encore au berceau. L'enfant croit
que le docteur est son pere. Rosalie s'est resignee a n'etre que
l'institutrice de sa fille. Mais Conrad s'echappe du bagne et le drame
se noue. Il veut d'abord faire valoir ses droits de pere. Le docteur lui
prouve qu'il tuera Emma, qu'il lui imposera tout au moins une existence
abominable, en faisant d'elle la fille d'un forcat. Ensuite Conrad veut
emmener Rosalie; et la encore, il doit se devouer, car il a compris
que, s'il etait mort, Rosalie aurait epouse le docteur. Il est resolu a
partir, a disparaitre pour toujours, lorsque la mort le prend en pitie
et lui facilite son abnegation. Il meurt, il fait trois heureux.
Sans doute, je vois bien qu'il y a la-dessous une these, et les theses
m'ont toujours fache au theatre. D'autre part, la donnee reste bien
melodramatique. Si l'on veut savoir ce qui m'a seduit, c'est la belle
nudite de la piece. Pas un coup de theatre, a notre mode francaise. Les
scenes se suivent tranquillement, la toile tombe sur une conversation,
les actes sont coupes au petit bonheur. C'est une tragedie, avec des
personnages modernes. M. d'Ennery hausserait les epaules et trouverait
cela bien maladroit.
Justement, je pensais a _Une Cause celebre_, qui a une si etrange
parente avec la _Mort civile_. Dans le premier de ces drames, quelle
grossierete de procede! On peut etre sur que l'auteur ne se privera
pas d'une ficelle, d'une situation, d'une tirade. Il gorgera la betise
populaire, il trempera de larmes son public, par les moyens les plus
enormes. Tout notre mauvais theatre actuel est la, avec l'impudence de
son dedain litteraire. _Une Cause celebre_ sue le mepris du bon sens, du
genie francais. On ne dit pas assez ce qu'une pareille piece peut
faire de mal a notre litterature dramatique. Pour en sentir toute
l'inferiorite, il faudrait la comparer a la _Mort civile_.
On se rappelle, par exemple, l'episode de Jean Renaud retrouvant sa
fille Adrienne. Il y a la des forcats dans un parc, une jeune personne
qui sait une p
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