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fait, et elles n'ont force de loi que si on les subit. A mon sens, les
acteurs pourraient serrer la vie de plus pres, sans s'amoindrir sur la
scene. Les exagerations de gestes, les passades, les coups de talon,
les temps solennels pris entre deux phrases, les effets obtenus par un
grossissement de la charge, ne sont en aucune facon necessaires a la
pompe de la representation. D'ailleurs, la pompe est inutile, la verite
suffirait.
Voici donc ce que je souhaiterais voir: des comediens etudiant la vie et
la rendant avec le plus de simplicite possible. Le Conservatoire est
un lieu utile, si on le considere comme un cours elementaire ou l'on
apprend la prononciation; encore existe-t-il, au Conservatoire, une
prononciation etrange, emphatique, qui deroute singulierement l'oreille.
Mais je doute qu'une fois les elements appris, on tire un grand profit
des lecons des maitres. C'est absolument comme dans les ecoles de
dessin. Pendant deux ou trois ans, les eleves ont besoin d'apprendre a
dessiner des yeux, des nez, des bouches, des oreilles; puis, le mieux
est de les mettre devant la nature, en laissant leur personnalite
s'eveiller et pousser.
On m'a souvent parle d'un maitre de declamation, dont les lecons
consistaient d'abord a faire dire par ses eleves cette phrase: "Tiens!
voila un chien!" sur tous les tons possibles, le ton de l'etonnement, le
ton de la peur, de l'admiration, de la tendresse, de l'indifference,
de la repulsion, et ainsi de suite. Il y avait cinquante et quelques
manieres de dire. "Tiens! voila un chien!" Cela rappelle un peu les
methodes pour apprendre l'anglais en vingt-cinq lecons. La methode peut
etre ingenieuse et bonne pour des eleves qui commencent. Mais on sent
tout ce qu'elle a de mecanique et d'insuffisant. Remarquez que le ton de
la voix et l'expression de la physionomie sont regles a l'avance, qu'il
s'agit ici simplement des grimaces de la tradition, sans tenir aucun
compte de la libre initiative de l'eleve.
Eh bien! l'enseignement au Conservatoire est le meme. On y repete:
"Tiens! voila un chien!" avec toutes les expressions imaginables. Notre
repertoire classique est la seule base de la doctrine. On exerce les
eleves sur des types connus, regles a l'avance, et chaque mot qu'ils ont
a dire a une inflexion consacree qu'on leur serine pendant des mois,
absolument comme on serine a un sansonnet: _J'ai du bon tabac dans ma
tabatiere_. On devine quelle influence peut avoir cet exercice sur d
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