peut s'exercer, c'est, comme je l'ai dit, sur l'enseignement
lui-meme, sur le corps de doctrine des professeurs dont le souci est,
avant tout, de maintenir intactes les traditions.
Il faut, pour comprendre ce qu'est aujourd'hui chez nous l'art du
comedien, remonter a l'origine meme de notre theatre. On trouve, au
dix-septieme siecle, la pompe tragique, les Romains et les Grecs portant
la perruque des seigneurs du temps, la representation d'une piece se
deroulant avec la majeste d'un gala princier. On pontifiait alors. On
restait sur les planches dans le domaine des rois et des dieux.
L'art consistait a etre le plus loin possible de la nature. Tout
s'ennoblissait, et jusqu'a: "Je vous hais!" tout se disait tendrement.
L'acteur le plus applaudi etait celui qui approchait le plus des belles
manieres de la cour, arrondissant les bras, se balancant sur les
hanches, grasseyant, roulant des yeux terribles.
Certes, nous n'en sommes plus la. La verite du costume, du decor et des
attitudes s'est imposee peu a peu. Aujourd'hui, Neron ne porte plus
perruque, et l'on joue _Esther_ avec une mise en scene splendide et trop
exacte. Mais, au fond, on retrouve toujours la tradition de majeste, de
jeu solennel. Des acteurs francais qui jouent, sont restes des pretres
qui officient. Ils ne peuvent monter sur les planches, sans se croire
aussitot sur un piedestal, ou la terre entiere les regarde. Et ils
prennent des poses, et ils sortent immediatement de la vie pour entrer
dans ce ronronnement du theatre, dans ces gestes faux et forces, qui
feraient pouffer de rire sur un trottoir.
Prenez meme une piece gaie, une comedie, et regardez attentivement les
acteurs qui la brulent. Vous reconnaitrez en eux les comediens pompeux
du dix-septieme siecle, ceux qui sont les peres de l'art dramatique en
France. Les entrees souvent sont accompagnees d'un coup de talon pour
annoncer et mieux asseoir le personnage. Les effets sont continues au
dela du vraisemblable, dans l'unique but d'occuper toute la scene et de
forcer les applaudissements. Ce sont des jeux de physionomie adresses
au public, des poses de bel homme, la cuisse tendue, la tete tournee
et maintenue dans une position avantageuse. Ils ne marchent plus, ne
parlent plus, ne toussent plus comme a la ville. On voit qu'ils sont en
representation, et que leur effort le plus immediat est de n'etre pas
comme tout le monde, de facon a etonner les bourgeois. Il y a un Grec ou
un Romain du grand si
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