re a sa langue, et si l'on veut creer des
etres vivants, il faut les donner au public, non seulement avec leurs
costumes exacts et dans les milieux qui les determinent, mais encore
avec leurs facons personnelles de penser et de s'exprimer. Je repete que
c'est la le but evident ou va notre theatre. Il n'y a pas de langue de
theatre reglee par un code comme coupe de phrases et comme sonorite; il
y a simplement un dialogue de plus en plus exact, qui suit ou plutot qui
amene les progres des decors et des costumes dans la voie naturaliste.
Quand les pieces seront plus vraies, la diction des acteurs gagnera
forcement en simplicite et en naturel.
Pour conclure, je repeterai que la bataille aux conventions est loin
d'etre terminee et qu'elle durera sans doute toujours. Aujourd'hui, nous
commencons a voir clairement ou nous allons, mais nous pataugeons encore
en plein degel de la rhetorique et de la metaphysique.
LES COMEDIENS
I
Je voudrais, a propos du concours du Conservatoire, dire mon mot sur
l'education officielle qu'on donne en France aux comediens.
Certes, cette education officielle est dans l'ordre accoutume de notre
esprit francais. Le nom de l'etablissement ou elle est donnee, le
"Conservatoire", suffit a indiquer qu'il s'agit d'y conserver les
traditions, d'y enseigner un art en quelque sorte hieratique, dont
toutes les recettes sont immuables. Tel geste signifie telle chose,
et ce geste ne saurait etre change. Il y a un jeu de physionomie pour
l'etonnement, un pour l'effroi, un pour l'admiration, et ainsi de suite,
toute une collection de jeux de physionomie qui s'apprennent et qu'on
finit par savoir employer, meme avec une intelligence mediocre. Il en
est de meme pour les peintres a l'Ecole des Beaux-Arts. On parvient a y
fabriquer un peintre, quand le sujet n'est pas completement idiot, et
que la nature l'a bati physiquement a peu pres complet, avec des jambes
et des bras.
Et remarquez que je ne nie pas la necessite de ces ecoles. De meme qu'il
faut des peintres decents, sachant leur metier pour decorer nos salons
bourgeois, de meme il faut des comediens qui sachent se tenir en scene,
saluer et repondre, pour jouer l'effroyable quantite de comedies et de
drames que Paris consomme par hiver. Au moins, un eleve qui sort du
Conservatoire, connait les elements classiques de son metier. Il est
le plus souvent mediocre, mais il reste convenable, il s'acquitte
honorablement de son emploi.
Je me montrer
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