ustement sur l'etat
de choses qui est en train de disparaitre.
Pour la diction, le mal vient donc de ce que ces critiques admettent une
langue de theatre. Leur theorie est qu'on ne doit pas parler sur les
planches comme dans l'existence quotidienne; et, pour appuyer cette
facon de voir, ils prennent des exemples dans la tradition, dans ce qui
se passait hier et dans ce qui se passe aujourd'hui encore, sans tenir
compte du mouvement naturaliste dont l'ouvrage de M. Jullien nous permet
de constater les etapes. Comprenez donc qu'il n'y a pas absolument de
langue de theatre; il y a eu une rhetorique qui s'est affaiblie de plus
en plus et qui est en train de disparaitre, voila les faits. Si vous
comparez un instant la declamation des comediens sous Louis XIV a celle
de Lekain, et si vous comparez la declamation de Lekain a celle des
artistes de nos jours, vous etablirez nettement les phases de la melopee
tragique aboutissant a notre recherche du ton juste et naturel, du
cri vrai. Des lors, la langue de theatre, cette langue plus sonore,
disparait. Nous allons a la simplicite, au mot exact, dit sans emphase,
tout naturellement. Et que d'exemples, si je ne devais me borner! Voyez
la puissance de Geoffroy sur le public, tout son talent est dans sa
nature; il prend le public parce qu'il parle a la scene comme il parle
chez lui. Quand la phrase sort de l'ordinaire, il ne peut plus la
prononcer, l'auteur doit en chercher une autre. Voila la condamnation
radicale de la pretendue langue de theatre. D'ailleurs, suivez
la diction d'un acteur de talent, et etudiez le public: les
applaudissements partent, la salle s'enthousiasme, lorsqu'un accent de
verite a donne aux mots prononces la valeur exacte qu'ils doivent
avoir. Tous les grands triomphes de la scene sont des victoires sur la
convention.
Helas! oui, il y a une langue de theatre: ce sont ces cliches, ces
platitudes vibrantes, ces mots creux qui roulent comme des tonneaux
vides, toute cette insupportable rhetorique de nos vaudevilles et de
nos drames, qui commence a faire sourire. Il serait bien interessant
d'etudier la question du style chez les auteurs de talent comme MM.
Augier, Dumas et Sardou; j'aurais beaucoup a critiquer, surtout chez les
deux derniers, qui ont une langue de convention, une langue a eux qu'ils
mettent dans la bouche de tous leurs personnages, hommes, femmes,
enfants, vieillards, tous les sexes et tous les ages. Cela me parait
facheux, car chaque caracte
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