repeter, je resume ce que j'ai dit.
Lorsqu'on examine de pres l'histoire de notre litterature dramatique,
on y distingue plusieurs epoques nettement determinees. D'abord, il y a
l'enfance de l'art, les farces et les mysteres du moyen age, de simples
recitatifs dialogues, qui se developpaient au milieu d'une convention
naive, avec une mise en scene et des decors primitifs. Peu a peu, les
pieces se compliquent, mais d'une facon barbare, et lorsque Corneille
apparait, il est surtout acclame parce qu'il se presente en novateur,
qu'il epure la formule dramatique du temps et qu'il la consacre par son
genie. Il serait tres interessant d'etudier, sur des documents, comment
la formule classique s'est creee chez nous. Elle repondait a l'esprit
social de l'epoque. Rien n'est solide en dehors de ce qui n'est pas
bati sur des necessites. La tragedie a regne pendant deux siecles parce
qu'elle satisfaisait exactement les besoins de ces siecles. Des genies
de temperaments differents l'avaient appuyee de leurs chefs-d'oeuvre.
Aussi, la voyons-nous s'imposer longtemps encore, meme lorsque des
talents de second ordre ne produisent plus que des oeuvres inferieures.
Elle avait la force acquise, elle continuait d'ailleurs a etre
l'expression litteraire de la societe du temps, et rien n'aurait pu
la renverser, si la societe elle-meme n'avait pas disparu. Apres
la Revolution, apres cette perturbation profonde qui allait tout
transformer et accoucher d'un monde nouveau, la tragedie agonise pendant
quelques annees encore. Puis, la formule craque et le Romantisme
triomphe, une nouvelle formule s'affirme. Il faut se reporter a la
premiere moitie du siecle, pour avoir le sens exact de ce cri de
liberte. La jeune societe etait dans le frisson de son enfantement. Les
esprits surexcites, depayses, elargis violemment, restaient secoues
d'une lievre dangereuse et le premier usage de la liberte conquise
etait de se lamenter, de rever les aventures prodigieuses, les amours
surhumains. On baillait aux etoiles, l'on se suicidait, reaction tres
curieuse contre l'affranchissement social qui venait d'etre proclame
au prix de tant de sang. Je m'en tiens a la litterature dramatique, je
constate que le romantisme fut au theatre une simple emeute, l'invasion
d'une bande victorieuse, qui entrait violemment sur la scene, tambours
battants et drapeau deploye. Dans cette premiere heure, les combattants
songerent surtout a frapper les esprits par une forme neuve; ils
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