'expression de la figure, a la
vie meme, elle lui appartient. De meme au theatre, il est necessaire que
les personnages entrent, causent et sortent. Et c'est tout; l'auteur
reste ensuite le maitre absolu de son oeuvre.
Pour conclure, ce n'est pas le public qui doit imposer son gout aux
auteurs, ce sont les auteurs qui ont charge de diriger le public. En
litterature, il ne peut exister d'autre souverainete que celle du genie.
La souverainete du peuple est ici une croyance imbecile et dangereuse.
Seul le genie marche en avant et petrit comme une cire molle
l'intelligence des generations.
III
Il est admis que les gens de province ouvrent de grands yeux dans nos
theatres, et admirent tout de confiance. Le journal qu'ils recoivent
de Paris a parle, et l'on suppose qu'ils s'inclinent tres bas, qu'ils
n'osent juger a leur tour les pieces centenaires et les artistes
applaudis par les Parisiens. C'est la une grande erreur.
Il n'y a pas de public plus difficile qu'un public de province. Telle
est l'exacte verite. J'entends un public forme par la bonne societe
d'une petite ville: les notaires, les avoues, les avocats, les medecins,
les negociants. Ils sont habitues a etre chez eux dans leur theatre,
sifflant les artistes qui leur deplaisent, formant leur troupe
eux-memes, grace a l'epreuve des trois debuts reglementaires. Notre
engouement parisien les surprend toujours, parce qu'ils exigent avant
tout d'un acteur de la conscience, une certaine moyenne de talent, un
jeu uniforme et convenable; jamais, chez eux, une actrice ne se
tirera d'une difficulte par une gambade; rien ne les choque comme ces
fantaisies que l'argot des coulisses a nommees des "cascades". Aussi,
quand ils viennent a Paris, ne peuvent-ils souvent s'expliquer la vogue
extraordinaire de certaines etoiles de vaudeville et d'operette. Ils
restent ahuris et scandalises.
Vingt fois, d'anciens amis de college, debarques a Paris pour huit
jours, m'ont repete: "Nous sommes alles hier soir dans tel theatre, et
nous ne comprenons pas comment on peut tolerer telle actrice ou tel
acteur. Chez nous, on les sifflerait sans pitie." Naturellement, je ne
veux nommer personne. Mais on serait bien surpris, si l'on savait pour
quelles etoiles les gens de province se montrent si severes. Remarquez
qu'au fond leurs critiques portent presque toujours juste. Ce qu'ils ne
veulent pas comprendre, c'est le coup de folie de Paris, cette flamme du
succes qui enleve tout, ces t
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