le y fut admirable, et, quelque temps apres, elle fut
plus sublime encore dans _l'Electre_, de Voltaire. Ce role, que Voltaire
lui avait fait declamer avec une lamentation continuelle et monotone,
parle plus naturellement, acquit une beaute inconnue a lui-meme."
Mademoiselle Clairon poussa si loin ce qu'on appellerait aujourd'hui la
passion du naturalisme, qu'un jour, au cinquieme acte de _Didon_, elle
crut pouvoir paraitre en chemise, absolument en chemise, "afin de
marquer, dit M. Jullien, quel desordre portait dans ses sens le songe
qui l'avait chassee de son lit." Il est vrai qu'elle ne recommenca pas.
Nous autres, gens de peu de morale comme on sait, nous n'en sommes
pourtant pas encore a reclamer la chemise.
Je suis oblige de me hater, je passe a Lekain qui fut egalement un des
grands reformateurs du theatre. "D'abord fougueux et sans regle, dit M.
Jullien, mais plein d'une chaleur communicative, il plut a la jeunesse
et deplut aux amateurs de l'ancienne psalmodie qui l'appelaient le
_taureau_, parce qu'ils ne retrouvaient plus chez lui cette diction
chantante et martelee, cette declamation redondante qui les bercait si
doucement d'habitude." Il s'occupa beaucoup aussi du costume, il parut
d'abord dans Oreste avec un vetement dessine par lui qui etonna, mais
qui fut accepte. Plus tard, il s'enhardit jusqu'a jouer Ninias, les
manches retroussees, les bras teints de sang, les yeux hagards. On etait
bien loin de la tragedie pompeuse de Louis XIV. Pourtant, il ne faut
pas croire que le costume de cour eut completement disparu. Malgre ses
audaces, Lekain laissa beaucoup a faire a Talma.
Je passe rapidement sur madame Favart, qui la premiere joua des
paysannes avec des sabots a l'Opera-Comique, sur la Saint-Huberty, une
artiste lyrique de genie, qui porta le premier costume de Didon vraiment
historique, une tunique de lin, des brodequins laces sur le pied nu,
une couronne entouree d'un voile retombant par derriere, un manteau de
pourpre, une robe attachee par une ceinture au-dessous de la gorge. Je
passe egalement sur Clairval, Dugazon et Larive, qui continuerent plus
ou moins les reformes de mademoiselle Clairon et de Lekain. A ce moment,
un grand pas etait fait; mais, si le mouvement de reforme s'accentuait,
on etait encore loin de la verite. Les coupes des vetements etaient
changees, mais les etoffes trop riches demeuraient. Talma allait enfin
porter le dernier coup a la convention.
Ce comedien de genie fut pass
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