ionne pour son art. Il fouilla l'antiquite,
il reunit une collection de costumes et d'armes, il se fit dessiner
des costumes par David, ne negligeant aucune source, voulant la verite
exacte pour arriver au caractere. Ici, je me permettrai une longue
citation qui resumera les reformes operees par Talma.
"Il parut dans le role du tribun Proculus, de _Brutus_, vetu d'un
costume fidelement calque sur les habits romains. Le role n'avait pas
quinze vers; mais cette heureuse innovation qui, d'abord, etonna
et laissa quelques minutes le public en suspens, finit par etre
applaudie... Au foyer, un de ses camarades lui demanda "s'il avait mis
des draps mouilles sur ses epaules?" tandis que la charmante Louise
Contat, lui adressant sans le vouloir l'eloge le plus flatteur,
s'ecriait: "Voyez donc Talma, qu'il est laid! Il a l'air d'une statue
antique." Pour toute reponse, le tragedien deroula aux yeux des
persifleurs le modele meme que David lui avait dessine pour son costume.
A son entree en scene, madame Vestris le regarda des pieds a la tete,
et tandis que Brutus lui adressait son couplet, elle echangeait a voix
basse avec Talma-Proculus ce rapide dialogue: "--Mais vous avez les bras
nus, Talma!--Je les ai comme les avaient les Romains.--Mais, Talma, vous
n'avez pas de culotte.--Les Romains n'en portaient pas.--_Cochon!_..."
et, prenant la main que lui offrait Brutus, elle sortit de scene en
etouffant de colere."
Voila le cri reactionnaire en art: Cochon! Nous sommes tous des cochons,
nous autres qui voulons la verite. Je suis personnellement un cochon,
parce que je me bats contre la convention au theatre. Songez donc, Talma
montrait ses jambes. Cochon! Et moi, je demande qu'on montre l'homme
tout entier. Cochon! cochon!
Je m'arrete. L'ouvrage de M. Jullien prouve, avec un luxe d'evidence, la
continuelle evolution naturaliste au theatre. Cela s'impose comme une
verite mathematique. Inutile de discuter, de dire que ce mouvement qui
nous emporte a la verite en tout, est bon ou mauvais; il est, cela
suffit; nous lui obeissons de gre ou de force. Seulement, le genie va en
avant, et c'est lui qui fait la besogne, pendant que la mediocrite hurle
et proteste. Je sais bien que les mediocres d'aujourd'hui voudraient
nous arreter, sous le pretexte qu'il n'y a plus de reformes a faire,
que nous sommes arrives en litterature a la plus grande somme de verite
possible. Eh! de tous temps, les mediocres ont dit cela! Est-ce qu'on
arrete l'
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