niers,
des robes de cour, des plumets et des diamants sur la tete; elles se
surchargeaient de franges, d'agrements, de rubans multicolores." Et
ce n'etait pas seulement les grands roles qui se paraient ainsi, les
suivantes et les soubrettes, jusqu'aux paysannes, se montraient vetues
de velours et de soie, les bras et les epaules charges de pierreries.
Elles agissaient ainsi autant par convenance que par coquetterie, car
elles auraient cru manquer au public en paraissant habillees simplement
dans le costume de leurs roles. D'ailleurs, cette idee ne venait a
personne, excepte a des esprits tres nets qui devancaient leur epoque,
qui reclamaient une reforme des costumes, de la diction, du theatre tout
entier, et qu'on injuriait en se moquant d'eux. Voila qui doit nous
donner du courage, a nous autres dont les idees naturalistes paraissent
aujourd'hui si droles et si odieuses a la fois.
Je resume ici a grands traits, je neglige les transitions. Mademoiselle
Salle, une danseuse celebre de l'Opera, se permit la premiere de
paraitre, dans Pygmalion, sans panier, sans jupe, sans corps, echevelee,
et sans aucun ornement sur la tete. Elle avait rencontre en France de
tels obstacles, de telles mauvaises volontes, qu'elle s'etait vue forcee
d'aller creer le role a Londres. Plus tard, elle eut un grand succes a
Paris. Mais j'arrive a mademoiselle Clairon, qui a tant fait pour la
reforme du costume et de la diction. Elle etudiait l'antiquite, elle
cherchait l'esprit de ses roles dans les monuments historiques.
Pourtant, elle resista longtemps aux conseils de Marmontel, qui la
suppliait de quitter la declamation chantante, comme elle avait quitte
les oripeaux du grand siecle. Un jour, elle voulut tenter la partie.
Il faut laisser ici la parole a Marmontel, qui a parle de cette
representation: "L'evenement passa son attente et la mienne. Ce ne fut
plus l'actrice, ce fut Roxane elle-meme que l'on crut voir et entendre.
On se demandait: Ou sommes-nous? On n'avait rien entendu de pareil."
Quel beau cri d'etonnement et quelle surprise dans ce triomphe brusque
de la verite!
Mademoiselle Clairon ne devait pas s'en tenir la. Elle joua _l'Electre_,
de Crebillon, huit jours plus tard. Marmontel, qui a defendu la verite
au theatre avec passion, ecrit encore ceci: "Au lieu du panier ridicule
et de l'ample robe de deuil qu'on lui avait vus dans ce role, elle
y parut en simple habit d'esclave, echevelee et les bras charges de
longues chaines. El
|