sait sur la verite. Racine fit bien quelques
efforts pour se soustraire aux modes du temps; mais il n'insista guere.
Moliere fut plus energique; on connait l'anecdote qui le montre entrant
dans la loge de sa femme, le soir de la premiere representation de
_Tartufe_, et la faisant se deshabiller, en la trouvant vetue d'un
costume magnifique pour jouer le role d'une femme "qui est incommodee"
dans la piece. Les acteurs comiques, en effet, ne respectaient pas plus
la verite que les acteurs tragiques. La richesse dominait quand meme.
Une des causes de ce luxe, sans necessite le plus souvent, venait de
l'habitude ou etaient les seigneurs de donner en cadeau aux comediens,
comme une marque de satisfaction, des habits superbes qu'ils avaient
portes. On comprend des lors la bizarre confusion que devaient produire
sur la scene ces costumes contemporains d'un luxe outre, meles a des
costumes defraichis de toutes les coupes et de toutes les modes. En un
mot, le pele-mele le plus barbare regnait, sans que le public parut
choque. On s'en tenait a l'homme metaphysique, a une idee d'abstraction
et de rhetorique, comme je le disais plus haut.
Tout le dix-septieme siecle a donc ete faux et majestueux. Pendant la
premiere moitie du dix-huitieme siecle, on voit se derouler une periode
de transition. Nous ne pouvons au juste nous faire une idee des
obstacles que rencontrait le triomphe de la verite du costume. On devait
lutter contre la tradition, contre les habitudes du public, le gout et
l'inertie des comediens, surtout la coquetterie des comediennes. Il a
fallu des annees d'efforts, au milieu des railleries et des insultes,
pour que le naturalisme s'imposat, dans cette question si simple et
d'ailleurs secondaire de l'exactitude historique. Ce fut pourtant des
femmes que partit la reforme: mademoiselle de Maupin osa paraitre a
l'Opera, dans le role de Medee, les mains vides, sans la baguette
traditionnelle, audace enorme qui revolutionna le public; d'autre part,
dans l'_Andrienne_, madame Dancourt imagina une sorte de robe longue
ouverte, qui convenait a son role d'une femme relevant de couches. Mais
un nouveau caprice faillit tout compromettre. Croyant arriver a plus de
verite, les actrices adopterent, pour toutes les pieces, des vetements
identiques a ceux des dames de la cour. Et, des lors, commenca le long
compromis entre le moderne et l'antique, qui a dure jusqu'a Talma.
"Les actrices tragiques, dit M. Jullien, eurent de grands pa
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