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de la Comedie-Francaise a Londres n'aurait-il que prouve ou en
est l'Angleterre devant la formule naturaliste moderne, que je le
considererais comme d'une grande utilite. Il est entendu que le peuple
qui a produit Shakespeare et Ben Jonson, pour ne citer que ces deux
noms, en est tombe a ne pouvoir plus supporter aujourd'hui les
hardiesses de M. Dumas.
Je ne puis resumer ici l'histoire de la litterature anglaise. Mais
lisez l'ouvrage si remarquable de M. Taine, et vous verrez que pas
une litterature n'a eu un debordement plus large ni plus hardi
d'originalite. Le genie saxon a depasse en vigueur et en crudite tout ce
qu'on connait. Et c'est maintenant cette litterature anglaise, apres la
longue action du protestantisme, qui en est arrivee a ne plus tolerer a
la scene un enfant naturel ou une femme adultere. Tout le genie libre
de Shakespeare, toute la crudite superbe de Ben Jonson ont abouti a des
romans d'une mediocrite ecoeurante, a des melodrames ineptes dont nos
theatres de barriere ne voudraient pas.
J'ai lu pres d'une cinquantaine de romans anglais ecrits dans ces
dernieres annees. Cela est au-dessous de tout. Je parle de romans signes
par des ecrivains qui ont la vogue. Certainement, nos feuilletonistes,
dont nous faisons fi, ont plus d'imagination et de largeur. Dans les
romans anglais, la meme intrigue, une bigamie, ou bien un enfant perdu
et retrouve, ou encore les souffrances d'une institutrice, d'une
creature sympathique quelconque, est le fond en quelque sorte hieratique
dont pas un romancier ne s'ecarte. Ce sont des contes du chanoine
Schmidt, demesurement grossis et destines a etre lus en famille. Quand
un ecrivain a le malheur de sortir du moule, on le conspue. Je viens,
par exemple, de lire la _Chaine du Diable_, un roman que M. Edouard
Jenkins a ecrit contre l'ivrognerie anglaise; comme oeuvre d'observation
et d'art, c'est bien mediocre; mais il a suffi qu'il dise quelques
verites sur les vices anglais, pour qu'on l'accablat de gros mots.
Depuis Dickens, aucun romancier puissant et original ne s'est revele.
Et que de choses j'aurais a dire sur Dickens, si vibrant et si intense
comme evocateur de la vie exterieure, mais si pauvre comme analyste de
l'homme et comme compilateur de documents humains!
Quant au theatre anglais actuel, il existe a peine, de l'avis de tous.
Nous n'avons jamais eu l'idee, a part deux ou trois exceptions, de
faire des emprunts a ce theatre; tandis que Londres vit en part
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