s'en tient a la lettre. Je
parle contre les conventions, contre les barrieres qui nous separent
du vrai absolu; tout de suite on pretend que je veux supprimer les
conventions, que je me fais fort d'etre le bon Dieu. Helas! je ne le
puis. Peut-etre serait-il plus simple de comprendre que je ne demande en
somme a l'art que ce qu'il est capable de donner. Il est entendu que la
nature toute nue est impossible a la scene. Seulement, nous voyons a
cette heure, dans le roman, ou l'on en est arrive par l'analyse exacte
des lieux et des etres. J'ai nomme Balzac qui, tout en conservant les
moyens artificiels de la publication en volumes, a su creer un monde
dont les personnages vivent dans les memoires comme des personnages
reels. Eh bien! je me demande chaque jour si une pareille evolution
n'est pas possible au theatre, si un auteur ne saura pas tourner les
conventions sceniques, de facon a les modifier et a les utiliser pour
porter sur la scene une plus grande intensite de vie. Tel est, au fond,
l'esprit de toute la campagne que je fais dans ces etudes.
Et, certes, je n'espere pas changer rien a ce qui doit etre. Je me donne
le simple plaisir de prevoir un mouvement, quitte a me tromper. Je suis
persuade qu'on ne determine pas a sa guise un mouvement au theatre.
C'est l'epoque meme, ce sont les moeurs, les tendances des esprits, la
marche de toutes les connaissances humaines, qui transforment l'art
dramatique, comme les autres arts. Il me semble impossible que nos
sciences, notre nouvelle methode d'analyse, notre roman, notre peinture,
aient marche dans un sens nettement realiste, et que notre theatre reste
seul, immobile, fige dans les traditions. Je dis cela, parce que je
crois que cela est logique et raisonnable. Les faits me donneront tort
ou raison.
Il est donc bien entendu que je ne suis pas assez peu pratique pour
exiger la copie textuelle de la nature. Je constate uniquement que
la tendance parait etre, dans les decors et les accessoires, a se
rapprocher de la nature le plus possible; et je constate cela comme
un symptome du naturalisme au theatre. De plus, je m'en rejouis. Mais
j'avoue volontiers que, lorsque je me montre enchante du cerisier de
_l'Ami Fritz_ et du cercle du _Club_, je me laisse aller au plaisir de
trouver des arguments. Il me faut bien des arguments: je les prends ou
ils se presentent; je les exagere meme un peu, ce qui est naturel. Je
sais parfaitement que le cerisier vrai ou monte Suzel est en b
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