steres, puis un meme decor pour toutes les pieces,
puis un decor fait en vue de chaque oeuvre, puis une recherche de plus
en plus marquee de l'exactitude des lieux, jusqu'aux copies si fideles
de notre temps. Prenez les costumes, et j'y reviendrai longuement avec
M. Julien: meme gradation, la fantaisie et l'insouciance comme point
de depart, et une continuelle reforme aboutissant a nos scrupules
historiques d'aujourd'hui. Prenez la declamation, l'art du comedien:
pendant deux siecles, on declame sur un ton ampoule, on lance les vers
comme un chant d'eglise, sans la moindre recherche de la justesse et de
la vie; puis, avec mademoiselle Clairon, avec Lekain, avec Talma, le
progres s'accomplit tres peniblement et au milieu des discussions.
Ce qu'on parait ignorer, c'est que, si l'on jouait aujourd'hui, a la
Comedie-Francaise, une piece de Corneille, de Moliere ou de Racine,
comme elle a ete jouee a la creation, on se tiendrait les cotes de
rire, tant les decors, les costumes et le ton des acteurs sembleraient
grotesques.
Voila qui est clair. Le progres, ou si l'on aime mieux l'evolution, ne
peut faire doute pour personne. Depuis le quinzieme siecle, il s'est
produit ce que je nommerai un besoin d'illusion plus grand. Les
conventions, les erreurs de toutes sortes ont disparu, une a une, chaque
fois qu'une d'entre elles a fini par trop choquer le public. On doit
ajouter qu'il a fallu des annees et l'effort des plus grands genies pour
venir a bout des moindres contre sens. C'est la ce que je voudrais voir
etabli nettement par une Histoire de notre theatre national.
Tenez, une des questions les plus curieuses et qui montre bien
l'imbecillite de la convention. Au quinzieme siecle, tous les roles de
femme etaient tenus par de jeunes garcons. Ce fut seulement sous Henri
IV qu'une actrice osa paraitre sur les planches. Mais cette audace causa
un scandale affreux; le public se fachait, trouvait cela immoral. Et le
plus etonnant, c'est que le deguisement des jeunes garcons, ces jupes
qu'ils portaient, donnaient naissance a de honteuses debauches, a
des amours monstrueux, qui semblaient ne choquer personne. On sait
aujourd'hui combien est penible pour notre public, meme dans la farce,
l'entree d'un comique vetu d'une robe; c'est juste l'effet contraire,
nous voyons une indecence ou nos peres trouvaient une necessite morale,
car pour eux une femme qui paraissait sur un theatre prostituait son
sexe. D'ailleurs, pendant tout le dix-s
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