avec laquelle
on remonte les anciennes tragedies; c'est meconnaitre leur veritable
cadre. Tout decor ajoute a une oeuvre litteraire comme un ballet,
uniquement pour boucher un trou, est un expedient facheux. Au contraire,
il faut applaudir, lorsque le decor exact s'impose comme le milieu
necessaire de l'oeuvre, sans lequel elle resterait incomplete et ne se
comprendrait plus. Et, la question se trouvant ainsi posee, il n'y a
qu'a laisser la critique faire pour ou contre des campagnes qui ne
hateront ni n'arreteront l'evolution naturaliste au theatre. Cette
evolution est un travail humain et social sur lequel des volontes
isolees ne peuvent rien. Malgre son autorite, M. Sarcey ne nous ramenera
pas aux decors abstraits de Moliere et de Shakespeare, pas plus qu'il ne
peut ressusciter les artistes du dix-septieme siecle avec leurs costumes
et le public de l'epoque avec ses idees. Elargissez donc le chemin et
laissez passer l'humanite en marche.
LE COSTUME
I
Je viens de lire un bien interessant ouvrage: l'_Histoire du costume au
theatre_, par M. Adolphe Jullien.
Depuis bientot quatre ans que je m'occupe de critique dramatique, me
souciant moins des oeuvres que du mouvement litteraire contemporain, me
passionnant surtout contre les traditions et les conventions, j'ai senti
bien souvent de quelle utilite serait une histoire de notre theatre
national. Sans doute, cette histoire a ete faite, et plusieurs fois.
Mais je n'en connais pas une qui ait ete ecrite dans le sens ou je la
voudrais, sur le plan que je vais tacher d'esquisser largement.
Je voudrais une Histoire de notre theatre qui eut pour base, comme
l'_Histoire de la litterature anglaise_, de M. Taine, le sol meme, les
moeurs, les moments historiques, la race et les facultes maitresses.
C'est la aujourd'hui la meilleure methode critique, lorsqu'on l'emploie
sans outrer l'esprit de systeme. Et cette Histoire montrerait alors
clairement, en s'appuyant sur les faits, le lent chemin parcouru
depuis les Mysteres jusqu'a nos comedies modernes, toute une evolution
naturaliste, qui, partie des conventions les plus blessantes et les
plus grossieres, les a peu a peu diminuees d'annee en annee, pour se
rapprocher toujours davantage des realites naturelles et humaines.
Tel serait l'esprit meme de l'oeuvre, l'ouvrage tendrait simplement
a prouver la marche constante vers la verite, une poussee fatale,
un progres s'operant a la fois dans les decors, les costumes, la
de
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