niers siecles est tout entiere dans
cet envahissement de la nature. L'homme n'a plus ete seul, on a cru que
les campagnes, les villes, les cieux differents meritaient qu'on les
etudiat et qu'on les donnat comme un cadre immense a l'humanite. On
est meme alle plus loin, on a pretendu qu'il etait impossible de bien
connaitre l'homme, si on ne l'analysait pas avec son vetement, sa
maison, son pays. Des lors, les personnages abstraits ont disparu. On
a presente des individualites, en les faisant vivre de la vie
contemporaine.
Le theatre a fatalement obei a cette evolution. Je sais que certains
critiques font du theatre une chose immuable, un art hieratique dont
il ne faut pas sortir. Mais c'est la une plaisanterie que les faits
dementent tous les jours. Nous avons eu les tragedies de Voltaire, ou le
decor jouait deja un role; nous avons eu les drames romantiques qui
ont invente le decor fantaisiste et en ont tire les plus grands effets
possibles; nous avons eu les bals de Scribe, danses dans un fond de
salon; et nous en sommes arrives au cerisier veritable de l'_Ami Fritz_,
a l'atelier du peintre impressionniste de la _Cigale_, au cercle si
etonnamment exact du _Club_. Que l'on fasse cette etude avec soin,
on verra toutes les transitions, on se convaincra que les resultats
d'aujourd'hui ont ete prepares et amenes de longue main par l'evolution
meme de notre litterature.
Je me repete, pour mieux me faire entendre. Le malheur, ai-je dit, est
qu'on veut mettre le theatre a part, le considerer comme d'essence
absolument differente. Sans doute, il a son optique. Mais ne le voit-on
pas de tout temps obeir au mouvement de l'epoque? A cette heure, le
decor exact est une consequence du besoin de realite qui nous tourmente.
Il est fatal que le theatre cede a cette impulsion, lorsque le roman
n'est plus lui-meme qu'une enquete universelle, qu'un proces-verbal
dresse sur chaque fait. Nos personnages modernes, individualises,
agissant sous l'empire des influences environnantes, vivant notre
vie sur la scene, seraient parfaitement ridicules dans le decor du
dix-septieme siecle. Ils s'asseoient, et il leur faut des fauteuils; ils
ecrivent, et il leur faut des tables; ils se couchent, ils s'habillent,
ils mangent, ils se chauffent, et il leur faut un mobilier complet.
D'autre part, nous etudions tous les mondes, nos pieces nous promenent
dans tous les lieux imaginables, les tableaux les plus varies doivent
forcement defiler devant la r
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