t, les oeuvres s'amollissent,
l'intelligence de la foule decroit, une periode de transition et de
mediocrite s'etablit. Si bien que, lorsque le besoin d'une revolution
litteraire se fait sentir, il faut, de nouveau, un homme de genie pour
secouer la foule et pour lui imposer une nouvelle formule.
Il est bon de consulter ainsi l'histoire litteraire, si l'on veut
debrouiller ces questions. Or, jamais on n'y voit que les grands
ecrivains aient suivi le public; ils ont toujours, au contraire,
remorque le public pour le conduire ou ils voulaient. L'histoire est
pleine de ces luttes, dans lesquelles la victoire reste infailliblement
au genie. On a pu lapider un ecrivain, siffler ses oeuvres, son heure
arrive, et la foule soumise obeit docilement a son impulsion. Etant
donne la moyenne peu intelligente et surtout peu artistique du public,
on doit ajouter que tout succes trop vif est inquietant pour la duree
d'une oeuvre. Quand le public applaudit outre mesure, c'est que l'oeuvre
est mediocre et peu viable; il est inutile de citer des exemples, que
tout le monde a dans la memoire. Les oeuvres qui vivent sont celles
qu'on a mis souvent des annees a comprendre.
Alors, que nous veut-on avec la souverainete du public au theatre! Sa
seule souverainete est de declarer mauvaise une piece que la posterite
trouvera bonne. Sans doute, si l'on bat uniquement monnaie avec le
theatre, si l'on a besoin du succes immediat, il est bon de consulter le
gout actuel du public et de le contenter. Mais l'art dramatique n'a
rien a demeler avec ce negoce. Il est superieur a l'engouement et aux
caprices. On dit aux auteurs: "Vous ecrivez pour le public, il faut donc
vous faire entendre de lui et lui plaire." Cela est specieux, car on
peut parfaitement ecrire pour le public, tout en lui deplaisant, de
facon a lui donner un gout nouveau; ce qui s'est passe bien souvent.
Toute la querelle est dans ces deux facons d'etre: ceux qui songent
uniquement au succes et qui l'atteignent en flattant une generation;
ceux qui songent uniquement a l'art et qui se haussent pour voir,
par-dessus la generation presente, les generations a venir.
Plus je vais, et plus je suis persuade d'une chose: c'est qu'au theatre,
comme dans tous les autres arts d'ailleurs, il n'existe pas de regles
veritables en dehors des lois naturelles qui constituent cet art. Ainsi,
il est certain que, pour un peintre, les figures ont fatalement un nez,
une bouche et deux yeux; mais quant a l
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