des
coulisses, des phrases toutes faites, des ignorances et des sottises,
monter a la largeur d'une etude litteraire, franche et puissante.
II
La theorie de la souverainete du public est une des plus bouffonnes que
je connaisse. Elle conduit droit a la condamnation de l'originalite
et des qualites rares. Par exemple, n'arrive-t-il pas qu'une chanson
ridicule passionne un public lettre? Tout le monde la trouve odieuse;
seulement, mettez tout le monde dans une salle de spectacle, et l'on
rira, et l'on applaudira. Le spectateur pris isolement est parfois un
homme intelligent; mais les spectateurs pris en masse sont un troupeau
que le genie ou meme le simple talent doit conduire le fouet a la main.
Rien n'est moins litteraire qu'une foule, voila ce qu'il faut etablir
en principe. Une foule est une collectivite malleable dont une main
puissante fait ce qu'elle veut.
Ce serait un bien curieux tableau, et tres instructif, si l'on dressait
la liste des erreurs de la foule. On montrerait, d'une part, tous les
chefs-d'oeuvre qu'elle a siffles odieusement, de l'autre, toutes les
inepties auxquelles elle a fait d'immenses succes. Et la liste serait
caracteristique, car il en resulterait a coup sur que le public est
reste froid ou s'est fache tontes les fois qu'un ecrivain original s'est
produit. Il y a tres peu d'exceptions a cette regle.
Il est donc hors de doute que chaque personnalite de quelque puissance
est obligee de s'imposer. Si la grande loi du theatre etait de
satisfaire avant tout le public, il faudrait aller droit aux niaiseries
sentimentales, aux sentiments faux, a toutes les conventions de la
routine. Et je defie qu'on puisse alors marquer la ligne du mediocre ou
l'on s'arreterait; il y aurait toujours un pire auquel on serait bientot
force de descendre. Qu'un ecrivain ecoute la foule, elle lui criera
sans cesse: "Plus bas! plus bas!" Lors meme qu'il sera dans la boue des
treteaux, elle voudra qu'il s'enfonce davantage, qu'il y disparaisse,
qu'il s'y noie.
Pour moi, les ecrivains revoltes, les novateurs, sont necessaires,
precisement parce qu'ils refusent de descendre et qu'ils relevent le
niveau de l'art, que le gout perverti des spectateurs tend toujours a
abaisser. Les exemples abondent. Apres la venue de chaque maitre, de
chaque conquerant de l'art qui achete cherement ses victoires, il y a
un moment d'eclat. Le public est dompte et applaudit. Puis, lentement,
quand les imitateurs du maitre arriven
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