sent pas des femmes plus riches qu'eux,
sans perdre pour cela la moindre parcelle de leur honnetete? Est-ce
que, dans notre, societe, un pareil mariage entraine, a moins de
complications odieuses, une idee infamante, meme un blame quelconque?
Mais il y a mieux, lorsque la fortune vient de l'homme, ne sommes-nous
pas touches de ce qu'on appelle un mariage d'amour, et la jeune fille
qui ferait des mines degoutees pour se laisser enrichir par l'homme
qu'elle adore, ne serait-elle pas regardee comme la plus desagreable des
peronnelles? Ainsi donc, le mariage avec la disproportion des fortunes
est parfaitement admis dans nos moeurs; il ne choque personne, il ne
fait pas question; enfin il n'est immoral qu'au theatre, ou il reste a
l'etat d'instrument scenique.
Prenons un second exemple. Voici un fils tres noble, tres grand, qui a
le malheur d'avoir pour pere un gredin. Au theatre, ce fils sanglote; il
se dit le rebut de la societe, il parle de s'enterrer dans sa honte, et
les spectateurs trouvent ca tout naturel. C'est ainsi qu'un pere qui ne
s'est pas bien conduit, devient immediatement pour ses enfants un
boulet de bagne. Des pieces entieres roulent la-dessus, avec, un luxe
incroyable de beaux sentiments, d'amertume et d'abnegations sublimes.
Transportons la situation dans la vie. Est-ce que, chez nous, un galant
homme est deshonore pour etre le fils d'un pere peu scrupuleux? Regardez
autour de vous, le cas est bien frequent, personne ne refusera la main
a un honnete garcon qui compte dans sa famille un brasseur d'affaires
equivoques ou quelque personnage de moralite douteuse. Le mot s'entend
tous les jours: "Ah! le pere X..., quel gredin! Mais le fils est un si
honnete garcon!" Je ne parle pas des peres qui ont des demeles avec la
justice, mais de cette masse considerable de chefs de famille dont la
fortune garde une etrange odeur de trafics inavouables-. On herite
pourtant de ces peres-la sans se croire deshonore et sans etre traite
de malhonnete homme. Je ne juge pas, je dis comment va la vie, j'expose
notre societe dans son travail, dans son fonctionnement reel.
Remarquez qu'il ne s'agit pas du theatre de fabrication. Ce sont nos
auteurs contemporains les plus applaudis et les plus dignes de l'etre
qui dissertent de la sorte a l'infini sur les facons delicates d'avoir
de l'honneur. Presque toutes les comedies de M. Augier, de M. Feuillet,
de M. Sardou reposent sur une donnee semblable: un fils qui reve la
redempti
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