oeur? On appelle cela la morale; non, ce
n'est pas la morale, c'est un affadissement de toutes nos virilites,
c'est un temps precieux perdu a des jeux de marionnettes.
La morale, je vais vous la dire. Toi, tu aimes cette jeune fille, qui
est riche; epouse-la si elle t'aime, et tire quelque grande chose de
cette fortune. Toi, tu aimes ce jeune homme, qui est riche; laisse-toi
epouser, fais du bonheur. Toi, tu as un pere qui a vole; apprends
l'existence, impose-toi au respect. Et tous, jetez-vous dans l'action,
acceptez et decuplez la vie. Vivre, la morale est la uniquement, dans sa
necessite, dans sa grandeur. En dehors de la vie, du labeur continu
de l'humanite, il n'y a que folies metaphysiques, que duperies et que
miseres. Refuser ce qui est, sous le pretexte que les realites ne sont
pas assez nobles, c'est se jeter dans la monstruosite de parti pris.
Tout notre theatre est monstrueux, parce qu'il est bati en l'air.
Dernierement, un auteur dramatique mettait cinquante pages a me prouver
triomphalement que le public entasse dans une salle de spectacle avait
des idees particulieres et arretees sur toutes choses. Helas! je le
sais, puisque c'est contre cet etrange phenomene que je combats. Quelle
interessante etude on pourrait faire sur la transformation qui s'opere
chez un homme, des qu'il est entre dans une salle de spectacle! Le voila
sur le trottoir: il traitera de sot tout ami qui viendra lui raconter la
rupture de son mariage avec une demoiselle riche, en lui soumettant
les scrupules de sa conscience; il serrera avec affection la main d'un
charmant garcon, dont le pere s'est enrichi en nourrissant, nos soldats
de vivres avaries. Puis, il entre dans le theatre, et il ecoute pendant
trois heures avec attendrissement le duo desole de deux amants que la
fortune separe, ou il partage l'indignation et le desespoir d'un fils
force d'heriter a la mort d'un pere trop millionnaire. Que s'est-il donc
passe? Une chose bien simple: ce spectateur, sorti de la vie, est tombe
dans la convention.
On dit que cela est bon et que d'ailleurs cela est fatal. Non cela ne
saurait etre bon, car tout mensonge, meme noble, ne peut que pervertir.
Il n'est pas bon de desesperer les coeurs par la peinture de sentiments
trop raffines, radicalement faux d'ailleurs dans leur exageration
presque maladive. Cela devient une religion, avec ses detraquements,
ses abus de ferveur devote. Le mysticisme de l'honneur peut faire des
victimes, comme tou
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