qui sont souvent
rendus dans un style abominable. En Angleterre, en Russie, on dit tres
nettement que nous n'avons plus parmi nous un seul critique.
On doit accuser d'abord la fievre du journalisme d'informations. Quand
tous les critiques rendaient leur justice le lundi, ils avaient le temps
de preparer et d'ecrire leurs feuilletons. On choisissait pour cette
besogne des ecrivains, et si le plus souvent la methode manquait, chaque
article etait au moins un morceau de style interessant a lire. Mais on
a change cela, il faut maintenant que les lecteurs aient, le lendemain
meme, un compte rendu detaille des pieces nouvelles. La representation
finit a minuit, on tire le journal a minuit et demi, et le critique est
tenu de fournir immediatement un article d'une colonne. Necessairement,
cet article est fait apres la repetition generale, ou bien il est bacle
sur le coin d'une table de redaction, les yeux appesantis de sommeil.
Je comprends que les lecteurs soient enchantes de connaitre
immediatement la piece nouvelle. Seulement, avec ce systeme, toute
dignite litteraire est impossible, le critique n'est plus qu'un
reporter; autant le remplacer par un telegraphe qui irait plus vite. Peu
a peu, les comptes rendus deviendront de simples bulletins. On flatte la
seule curiosite du public, on l'excite et on la contente. Quant a son
gout, il ne compte plus; on a supprime les virtuoses pour confier leur
besogne a des journalistes qui acceptent volontiers de traiter le
Theatre comme ils traiteraient la Bourse ou les Tribunaux, en mauvais
style. Nous marchons au mepris de toute litterature. Il y a deux ou
trois journaux, sur le pave de Paris, qui sont coupables d'avoir
transforme les lettres en un marche honteux ou l'on trafique sur les
nouvelles. Quand la maree arrive, c'est a qui vendra la raie la plus
fraiche. Et que de raies pourries on passe dans le tas!
Comme il faut etre de son temps, j'accepterais encore cette rapidite
de l'information qui est devenue un besoin. Mais, puisqu'on a mis les
phrases a la porte, on devrait au moins rejeter les banalites, condenser
en quelques lignes des jugements motives, d'une rectitude absolue. Pour
cela, il faudrait que la critique eut une methode et sut ou elle va.
Sans doute, on doit tolerer les temperaments, les facons diverses de
voir, les ecoles litteraires qui se combattent. Le corps des critiques
dramatiques ne peut ressembler a un corps de troupe qui fait l'exercice.
Meme l'interet de
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