l comptait a
Paris cinq ou six theatres prosperes. La demolition des anciennes salles
du boulevard du Temple a ete pour lui une premiere catastrophe. Les
theatres ont du se disseminer, le public a change, d'autres modes sont
venues. Mais le discredit ou le drame est tombe provient surtout de
l'epuisement du genre, des pieces ridicules et ennuyeuses qui ont peu a
peu succede aux oeuvres puissantes de 1830.
Il faut ajouter le manque absolu d'acteurs nouveaux comprenant et
interpretant ces sortes de pieces, car chaque formule dramatique qui
disparait emporte avec elle ses interpretes. Aujourd'hui, le drame,
chasse de scene en scene, n'a plus reellement a lui que l'Ambigu et le
Theatre-Historique. A la Porte-Saint-Martin elle-meme, c'est a peine si
on lui fait une petite place, entre deux pieces a grand spectacle.
Certes, un succes de loin en loin ranime les courages. Mais la pente
est fatale, le drame glisse a l'oubli; et, s'il parait vouloir
parfois s'arreter dans sa chute, c'est pour rouler ensuite plus bas.
Naturellement, les plaintes sont grandes. La queue romantique, surtout,
est dans la desolation; elle jure bien haut qu'en dehors du drame,
de son drame a elle, il n'y a pas de salut pour notre litterature
dramatique. Je crois au contraire qu'il faut trouver une formule
nouvelle, transformer le drame, comme les ecrivains de la premiere
moitie du siecle ont transforme la tragedie. Toute la question est la.
La bataille doit etre aujourd'hui entre le drame romantique et le drame
naturaliste.
Je designe par drame romantique toute piece qui se moque de la verite
des faits et des personnages, qui promene sur les planches des pantins
au ventre bourre de son, qui, sous le pretexte de je ne sais quel ideal,
patauge dans le pastiche de Shakespeare et d'Hugo. Chaque epoque a sa
formule, et notre formule n'est certainement pas celle de 1830. Nous
sommes a un age de methode, de science experimentale, nous avons avant
tout le besoin de l'analyse exacte. Ce serait bien peu comprendre
la liberte conquise que de vouloir nous enfermer dans une nouvelle
tradition. Le terrain est libre, nous pouvons revenir a l'homme et a la
nature.
Dernierement, on faisait de grands efforts pour ressusciter le drame
historique. Rien de mieux. Un critique ne peut condamner d'un mot le
choix des sujets historiques, malgre toutes ses preferences personnelles
pour les sujets modernes. Je suis simplement plein de mefiance. Le
patron sur lequel on ta
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