pposerent une rhetorique a une rhetorique, le moyen age a l'antiquite,
l'exaltation de la passion a l'exaltation du devoir. Et ce fut tout, car
les conventions sceniques ne firent que se deplacer, les personnages
resterent des marionnettes autrement habillees, rien ne fut modifie
que l'aspect exterieur et le langage. D'ailleurs, cela suffisait pour
l'epoque. Il fallait prendre possession du theatre au nom de la liberte
litteraire, et le romantisme s'acquitta de ce role insurrectionnel avec
un eclat incomparable. Mais qui ne comprend aujourd'hui que son role
devait se borner a cela. Est-ce que le romantisme exprime notre societe
d'une facon quelconque, est-ce qu'il repond a un de nos besoins?
Evidemment, non. Aussi est-il deja demode, comme un jargon que nous
n'entendons plus. La litterature classique qu'il se flattait de
remplacer, a vecu deux siecles, parce qu'elle etait basee sur l'etat
social; mais lui, qui ne se basait sur rien, sinon sur la fantaisie de
quelques poetes, ou si l'on veut sur une maladie passagere des esprits
surmenes par les evenements historiques, devait fatalement disparaitre
avec cette maladie. Il a ete l'occasion d'un magnifique epanouissement
lyrique; ce sera son eternelle gloire. Seulement, aujourd'hui que
l'evolution s'accomplit tout entiere, il est bien visible que le
romantisme n'a ete que le chainon necessaire qui devait attacher la
litterature classique a la litterature naturaliste. L'emeute est
terminee, il s'agit de fonder un Etat solide. Le naturalisme decoule de
l'art classique, comme la societe actuelle est basee sur les debris de
la societe ancienne. Lui seul repond a notre etat social, lui seul a des
racines profondes dans l'esprit de l'epoque; et il fournira la seule
formule d'art durable et vivante, parce que cette formule exprimera la
facon d'etre de l'intelligence contemporaine. En dehors de lui, il ne
saurait y avoir pour longtemps que modes et fantaisies passageres. Il
est, je le dis encore, l'expression du siecle, et pour qu'il perisse,
il faudrait qu'un nouveau bouleversement transformat notre monde
democratique.
Maintenant, il reste a souhaiter une chose: la venue d'hommes de genie
qui consacrent la formule naturaliste. Balzac s'est produit dans le
roman, et le roman est fonde. Quand viendront les Corneille, les
Moliere, les Racine, pour fonder chez nous un nouveau theatre? Il faut
esperer et attendre.
III
Le temps semble deja loin ou le drame regnait en maitre. I
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