oque de la _Taverne des etudiants_; elle
jette ce cri dans les jambes de tout nouveau venu, qui arrive avec une
personnalite. Ce fameux don est le passe-port des auteurs dramatiques.
Avez-vous le don? Non. Alors, passez au large, ou nous vous mettons une
balle dans la tete.
J'avoue que je remplis d'une tout autre maniere mon role de critique. Le
don me laisse assez froid. Il faut qu'une figure ait un nez pour etre
une figure; il faut qu'un auteur dramatique sache faire une piece pour
etre un auteur dramatique, cela va de soi. Mais que de marge ensuite!
Puis, le succes ne signifie rien. _Phedre_ est tombee a la premiere
representation. Des qu'un auteur apporte une nouvelle formule, il
blesse le public, il y a bataille sur son oeuvre. Dans dix ans, on
l'applaudira.
Ah! si je pouvais ouvrir toutes grandes les portes des theatres a
la jeunesse, a l'audace, a ceux qui ne paraissent pas avoir le don
aujourd'hui et qui l'auront peut-etre demain, je leur dirais d'oser
tout, de nous donner de la verite et de la vie, de ce sang nouveau dont
notre litterature dramatique a tant besoin! Cela vaudrait mieux que de
se planter devant nos theatres, une ferule de magister a la main, et de
crier: "Au large!" aux jeunes braves qui ne procedent ni de Scribe ni de
M. Sardou. Fichu metier, comme disent les gendarmes, quand ils ont une
corvee a faire.
LES JEUNES
J'ai entendu dire un jour a un faiseur, ouvrier tres adroit en mecanique
theatrale: "On nous parle toujours de l'originalite des jeunes; mais
quand un jeune fait une piece, il n'y a pas de ficelle usee qu'il
n'emploie, il entasse toutes les combinaisons demodees dont nous ne
voulons plus nous-memes." Et, il faut bien le confesser, cela est
vrai. J'ai remarque moi-meme que les plus audacieux des debutants
s'embourbaient profondement dans l'orniere commune.
D'ou vient donc cet avortement a peu pres general? On a vingt ans, on
part pour la conquete des planches, on se croit tres hardi et tres neuf;
et pas du tout, lorsqu'on a accouche d'un drame ou d'une comedie, il
arrive presque toujours qu'on a pille le repertoire de Scribe ou de M.
d'Ennery. C'est tout au plus si, par maladresse, on a reussi a defigurer
les situations qu'on leur a prises. Et j'insiste sur l'innocence
parfaite de ces plagiats, on s'imagine de tres bonne foi avoir tente un
effort considerable d'originalite.
Les critiques qui font du theatre une science et qui proclament la
necessite absolue de la mecan
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