n la combinant avec
la loi d'optique necessaire au theatre. Il realiserait enfin ce que
les nouveaux venus n'ont pu trouver encore: etre assez habile ou assez
puissant pour s'imposer, rester assez vrai pour que l'habilete ne le
conduisit pas au mensonge.
Et quelle place immense ce novateur prendrait dans notre litterature
dramatique! Il serait au sommet. Il batirait son monument au milieu du
desert de mediocrite que nous traversons, parmi les bicoques de boue et
de crachat dont on seme au jour le jour nos scenes les plus illustres.
Il devrait tout remettre en question et tout refaire, balayer les
planches, creer un monde, dont il prendrait les elements dans la vie,
en dehors des traditions. Parmi les reves d'ambition que peut faire un
ecrivain a notre epoque, il n'en est certainement pas de plus vaste. Le
domaine du roman est encombre; le domaine du theatre est libre. A cette
heure, en France, une gloire imperissable attend l'homme de genie qui,
reprenant l'oeuvre de Moliere, trouvera en plein dans la realite la
comedie vivante, le drame vrai de la societe moderne.
LE DON
Je parlerai de ce fameux don du theatre, dont il est si souvent
question.
On connait la theorie. L'auteur dramatique est un homme predestine qui
nait avec une etoile au front. Il parle, les foules le reconnaissent
et s'inclinent. Dieu l'a petri d'une matiere rare et particuliere.
Son cerveau a des cases en plus. Il est le dompteur qui apporte une
electricite dans le regard. Et ce don, cette flamme divine est d'une
qualite si precieuse, qu'elle ne descend et ne brule que sur quelques
tetes choisies, une douzaine au plus par generation.
Cela fait sourire. Voyez-vous l'auteur dramatique transforme en oint
du Seigneur! J'ignore pourquoi, par decret, on n'autoriserait pas nos
vaudevillistes et nos dramaturges a porter un costume de pontifes pour
les differencier de la foule. Comme ce monde du theatre gratte et
exaspere la vanite! Il n'y a pas que les comediens qui se haussent sur
les planches et se donnent en continuel spectacle. Voila les auteurs
dramatiques gagnes par cette fievre. Ils veulent etre exceptionnels, ils
ont des secrets comme les francs-macons, ils levent les epaules de pitie
quand un profane touche a leur art, ils declarent modestement qu'ils
ont un genie particulier; mon Dieu! oui, eux-memes ne sauraient dire
pourquoi ils ont ce talent, c'est comme cela, c'est le ciel qui l'a
voulu. On peut chercher a leur derober leur secret
|