pas plus fausse. Entre les
personnages en peplum qui se promenent avec des confidents et discutent
sans fin leurs passions, et les personnages en pourpoint qui font les
grands bras et qui s'agitent comme des hannetons grises de soleil,
il n'y a pas de choix a faire, les uns et les autres sont aussi
parfaitement inacceptables. Jamais ces gens-la n'ont existe. Les heros
romantiques ne sont que les heros tragiques, piques un mardi gras par
la tarentule du carnaval, affubles de faux nez et dansant le cancan
dramatique apres boire. A une rhetorique lymphatique, le mouvement de
1830 a substitue une rhetorique nerveuse et sanguine, voila tout.
Sans croire au progres dans l'art, on peut dire que l'art est
continuellement en mouvement, au milieu des civilisations, et que les
phases de l'esprit humain se refletent en lui. Le genie se manifeste
dans toutes les formules, meme dans les plus primitives et les
plus naives; seulement, les formules se transforment et suivent
l'elargissement des civilisations, cela est incontestable. Si Eschyle a
ete grand, Shakespeare et Moliere se sont montres egalement grands, tous
les trois dans des civilisations et des formules differentes. Je veux
declarer par la que je mets a part le genie createur qui sait toujours
se contenter de la formule de son epoque. Il n'y a pas progres dans la
creation humaine, mais il y a une succession logique de formules, de
facons de penser et d'exprimer. C'est ainsi que l'art marche avec
l'humanite, en est le langage meme, va ou elle va, tend comme elle a la
lumiere et a la verite, sans pour cela que l'effort du createur puisse
etre juge plus ou moins grand, soit qu'il se produise au debut soit
qu'il se produise a la fin d'une litterature.
D'apres cette facon de voir, il est certain que, si l'on part de
la tragedie, le drame romantique est un premier pas vers le drame
naturaliste auquel nous marchons. Le drame romantique a deblaye le
terrain, proclame la liberte de l'art. Son amour de l'action, son
melange du rire et des larmes, sa recherche du costume et du decor
exacts, indiquent le mouvement en avant vers la vie reelle. Dans toute
revolution contre un regime seculaire, n'est-ce pas ainsi que les choses
se passent? On commence par casser les vitres, on chante et on crie, on
demolit a coups de marteau les armoiries du dernier regne. Il y a une
premiere exuberance, une griserie des horizons nouveaux vaguement
entrevus, des exces de toutes sortes qui depassent le
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