y avait de l'eau dans cette fontaine; d'autres fois
il etait arrive que des voyageurs l'avaient trouvee completement a sec, et
avaient laisse leurs os sur ses bords. Voila du moins ce qu'on racontait a
Socorro. Pendant quelques minutes, je restai indecis; puis, tirant presque
machinalement la rene droite, je dirigeai mon cheval vers l'ouest. Je
voulais d'abord chercher la fontaine, et si je ne la trouvais pas, pousser
vers la riviere. C'etait revenir sur mes pas, mais il me fallait de l'eau
sous peine de mort. Je me laissais aller sur ma selle, faible et
vacillant, m'abandonnant a l'instinct de mon cheval. Je n'avais plus
l'energie necessaire pour le conduire. Il me porta plusieurs milles vers
l'ouest, car j'avais le soleil en face. Tout a coup je fus reveille de ma
stupeur. Un spectacle enchanteur frappait mes yeux. Un lac!--Un lac, dont
la surface brillait comme le cristal! Etais-je bien sur de le voir?
N'etait-ce pas un mirage? Non, ses contours etaient trop fortement
arretes. Ils n'avaient pas cette apparence grele et nuageuse qui
caracterise le phenomene. Non; ce n'etait pas un mirage. C'etait bien de
l'eau!
Involontairement mes eperons presserent les flancs de mon cheval; mais il
n'avait pas besoin d'etre excite. Il avait vu l'eau et se precipitait vers
elle avec une energie toute nouvelle. Un moment apres, il etait dedans
jusqu'au ventre. Je m'elancai de ma selle et plongeai a mon tour, et
j'etais sur le point de puiser l'eau avec le creux de mes mains, lorsque
mon attention fut eveillee par l'attitude de mon cheval. Au lieu de boire
avidement, il s'etait arrete, secouant la tete, et soufflant avec toutes
les apparences du desappointement. Mon chien, lui aussi, refusait de boire
et s'eloignait de la rive en se lamentant et en hurlant. Je compris ce que
cela signifiait; mais avec cette obstination qui repousse tous les
temoignages et ne s'en rapporte qu'a l'experience propre, je puisai
quelques gouttes dans ma main et les portai a mes levres. L'eau etait
salee et brulante! J'aurais pu prevoir cela avant d'arriver au lac, car
j'avais traverse des champs de sel qui l'environnaient comme d'une
ceinture de neige; mais, a ce moment, la fievre me brulait le cerveau et
je n'avais plus ma raison. Il etait inutile de rester la plus longtemps.
Je sautai sur ma selle. Je m'eloignai du bord et de sa blanche ceinture de
sel. Ca et la le sabot de mon cheval sonnait contre les ossements blanchis
d'animaux, tristes restes de nom
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