ew-Mexico, je quittai cette province et traversai la Jornada pour me
rendre a El-Paso. La, je vecus quelque temps, pleurant mon enfant perdue.
Je ne restai pas longtemps inactif. Les frequentes incursions des Apaches
dans les provinces de Sonora et de Chihuahua avaient rendu le gouvernement
plus energique dans la defense de la frontiere. Les presidios furent mis
en meilleur etat de defense et recurent des garnisons plus fortes; une
bande d'aventuriers, de volontaires, fut organisee, dont la paie etait
proportionnee au nombre de chevelures envoyees aux etablissements. On
m'offrit le commandement de cette etrange guerilla, et, dans l'espoir de
retrouver ma fille, j'acceptai: je devins chasseur de scalp. C'etait une
terrible mission, et si la vengeance avait ete mon seul objet, il y a
longtemps que j'aurais pu me retirer satisfait. Nous fimes plus d'une
expedition sanglante, et, plus d'une fois, nous exercames d'epouvantables
represailles.
Je savais que ma fille etait captive chez les Navajoes. Je l'avais appris,
a differentes epoques, de la bouche des prisonniers que j'avais faits;
mais j'etais toujours arrete par la faiblesse de ma troupe et des moyens
dont je disposais. Des revolutions successives et la guerre civile
desolaient et ruinaient les Etats du Mexique; nous fumes laisses de cote.
Malgre tous mes efforts, je ne pouvais reunir une force suffisante pour
penetrer dans cette contree deserte qui s'etend au nord du Gilla, et au
centre de laquelle se trouvent les huttes des sauvages Navajoes.
--Et vous croyez!...
--Patience, j'aurai bientot fini. Ma troupe est aujourd'hui plus forte
qu'elle n'a jamais ete. J'ai recu d'un homme recemment echappe des mains
des Navajoes l'avis formel que les guerriers des deux tribus sont sur le
point de partir pour le Sud. Ils reunissent leurs forces dans le but de
faire une grande incursion; ils veulent pousser, a ce qu'on dit, jusqu'aux
portes de Durango. Mon intention est de penetrer dans leur pays pendant
qu'ils seront absents, et d'aller y chercher ma fille.
--Et vous croyez qu'elle vit encore?
--Je le sais. Le meme individu qui m'a donne ces nouvelles, et qui, le
pauvre diable, y a laisse sa chevelure et ses oreilles, l'a vue souvent.
Elle est devenue, m'a-t-il dit, parmi ces sauvages, une sorte de reine
possedant un pouvoir et des privileges particuliers. Oui, elle vit encore,
et si je puis parvenir a la retrouver, a la ramener ici, cette scene
tragique sera la derniere
|